«… en Angleterre l’usine de retraitement des déchets nucléaires de Windscale a été amenée à faire appeler sa localité Sellafield afin de mieux égarer les soupçons, après un désastreux incendie en 1957, mais ce retraitement toponymique n’a pas empêché l’augmentation de la mortalité par cancer et leucémie dans ses alentours. Le gouvernement anglais, on l’apprend démocratiquement trente ans plus tard, avait alors décidé de garder secret un rapport sur la catastrophe qu’il jugeait, et non sans raison, de nature à ébranler la confiance que le public accordait au nucléaire.»
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988).
Le site nucléaire de Sellafield au cœur d'un scandale Pendant trente ans, des médecins ont prélevé des organes sur les cadavres d'employés de ce complexe nucléaire, à des fins d'analyse — à l'insu des familles.
Des organes et des os ont été prélevés sans autorisation, durant trente ans, sur les cadavres de 64 employés du complexe nucléaire de Sellafield [dans le nord-ouest de l'Angleterre, près de la mer d'Irlande], selon les résultats d'une importante enquête commandée en 2007 par le ministre du Commerce et de l’Industrie de l’époque, Alistair Darling.
Les résultats ont été publiés hier [le 16 novembre]. Ils indiquent que ce n’est que plusieurs décennies après le décès de leurs proches que la plupart des familles ont découvert que ceux-ci avaient été privés de foie, de langue et parfois même de jambes. L’enquête a révélé l’existence, jusqu’en 1992, d’une collusion entre les pathologistes, les médecins légistes et les scientifiques de la région de Sellafield, pour qui les besoins de l’industrie nucléaire passaient avant les sentiments des familles éplorées.
Dans leurs dépositions, des représentants des salariés ont indiqué qu’ils avaient l’impression que ces corps avaient été «mutilés» et traités comme des «objets» pour aider l’industrie nucléaire à réfuter tout lien entre les cancers et les émissions de radiations.
Dans certains cas, les os manquants ont été remplacés avant les funérailles par des manches à balai. Les familles ont été «lésées», selon Michael Redfern, le responsable de l’enquête, qui s’est également occupé de l’affaire de l’hôpital Alder Hey [à Liverpool, où plus de 2000 organes et échantillons de tissus ont été prélevés sur 850 enfants entre 1988 et 1995]. La plupart des proches, dit-il, ont été trompés à un moment où ils étaient très vulnérables et trompés par ceux en qui ils étaient en droit de placer une confiance absolue.
Ces révélations sont le fruit de trois ans d'enquête sur l'industrie nucléaire et concernent aussi trois études indiquant que 6500 cadavres, dont certains d’enfants, ont été utilisés à des fins de recherche par l’industrie nucléaire. Selon le rapport de 650 pages publié à l'issue de l'enquête, le prélèvement des organes et des tissus à Sellafield était, dans la plupart des cas, «inutile et inopportun».
Les pathologistes font l’objet de critiques particulièrement virulentes. Le rapport les décrit comme «profondément ignorants de la loi» et convaincus à tort d’«avoir carte blanche pour enlever des tissus et des organes à toutes fins jugées utiles». Les médecins légistes sont également accusés de ne pas avoir informé les familles et d’avoir aidé les autorités nucléaires sans se soucier de savoir si celles-ci avaient l’autorisation d’effectuer des prélèvements et si ces derniers avaient un rapport avec la cause de la mort.
Le personnage central dans l’affaire de Sellafield était le médecin chef du groupe nucléaire BNFL, Geoffrey Schofield, un expert reconnu de la santé au travail. L’enquête a révélé que, jusqu’à sa mort, en 1985, il n’a été soumis à «aucun encadrement particulier ni à un quelconque contrôle de ses activités».
Ce médecin avait passé un «accord informel» avec les pathologistes de l’hôpital de West Cumburland et il lui était «facile» de se procurer des organes pour les analyser. Lui et ses successeurs retournaient à leur laboratoire avec les organes dans un bac à glace. Là, les organes étaient pesés, étiquetés et stockés dans un congélateur avant d’être analysés, puis emportés vers le dépôt de déchets à faible activité de Drigg. Le rapport accuse le Dr Schofield d’avoir pris «des mesures quelque peu discutables pour se procurer des organes» quand il les jugeait particulièrement intéressants et d’avoir «manipulé la procédure judiciaire».
«Dans cette affaire, les familles des victimes devraient être vengées», s’insurge Stan Higgins. Son père n’avait que 49 ans quand il est mort. Ancien membre du régiment des parachutistes et rugbyman passionné, il était également chef d’équipe dans l’usine de préparation du combustible lors de la fuite qui s’est produite en 1973 et il a été gravement exposé au ruthénium.
«C’est l’homme le plus irradié qui ait jamais survécu», explique son fils, aujourd'hui médecin. «Il a vécu pendant environ cinq ans, mais, après la destruction de sa thyroïde, il a commencé à avoir des évanouissements et il est mort d’une crise cardiaque.» M. Higgins a appris plus tard que des tissus avaient été prélevés sur le corps de son père après sa mort, mais il n’a découvert qu’il y a trois ans toute l’ampleur de l’opération : vertèbres, médiastin, reins, fois, cœur, rate, sternum, poumons et ganglions lymphatiques lui ont été dérobés.
Le 16 novembre, à la Chambre des communes, le ministre de l’Énergie, Chris Huhne, a présenté ses excuses aux familles et assuré que ces pratiques n’avaient plus cours.
Tout baigne dans cette merveilleuse démocratie anglaise et les méchants violeurs sont en prison comme Julian Assange...
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