mardi 23 novembre 2010

Entretien avec Claude Angeli

Chef du Canard enchaîné, c'est lui qui a révélé le rôle de Sarkozy dans l'espionnage des journalistes. En place depuis quarante piges il connait la musique des secrets de l'État et donc aussi des services. Le Canard repose sur un réseaux à l'intérieur de l'appareil étatique qui transmet les informations.                         

Les écoutes. Déjà, au début des années 70, sa grande affaire concernait les écoutes. On est en 1973, George Pompidou est au pouvoir, Le Canard déplaît. Le 13 juin, l'hebdomadaire publie la transcription manuscrite d'une écoute téléphonique de Claude Angeli dialoguant avec Gaston Gosselin, journaliste économique. Quelques mois plus tard, l'affaire des plombiers éclate : des agents de la DST ont tenté d'installer des micros dans les locaux de l'hebdomadaire en se faisant passer pour des plombiers. Le 2 novembre dernier, le rédacteur en chef du Canard révélait que les enquêteurs de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), sur ordre du président de la République, espionnaient les journalistes en scrutant leurs factures téléphoniques détaillées. Entretien avec Claude Angeli, 79 ans dont près de quarante au Canard, où il s'applique toujours à dévoiler ce que les milieux de la Défense et du renseignement s'échinent à garder secret.

Comment avez-vous travaillé pour obtenir cette information ? 

On travaille en s'appuyant sur un réseau d'informateurs dans la magistrature, l'industrie, les ministères, dans l'armée, les services… Puis un jour : coup de chance ! Dans ce cas précis, les informations viennent de l'intérieur de la DCRI. Je connais les gens, je sais qu'on n'est pas manipulé, d'autant qu'à l'intérieur du service, ils défendent leur patron, ils expliquent qu'il n'aime pas ça.

Ce n'est pas propre à Nicolas Sarkozy…
C'est arrivé dans le passé que le pouvoir essaye de savoir qui sont les sources dès qu'une information est gênante. Sarkozy est un maniaque, il veut savoir de quelle façon l'affaire Bettencourt a pu sortir, notamment les PV dans Le Monde…
Dans le cas du Canard, c'est Kouchner qui voulait savoir comment les gens du Quai d'Orsay informent le Canard. Un pouvoir démocratique doit s'interdire cela. Il y a des lois qui protègent les journalistes, tant qu'il ne s'agit pas de terrorisme ou d'espionnage pour le compte de l'étranger. Dans ces affaires, on n'est pas dans ce cas-là.
Quelles vont être les suites d'une telle affaire ? C'est assez grave.
Bernard Squarcini va porter plainte mais on ne l'a toujours pas reçue. Nous, on a mis en cause Sarkozy. Squarcini se sent diffamé comme si c'était diffamatoire de dire qu'il obéit à Sarkozy.
Il m'a téléphoné la veille de la parution. Il a contesté le titre, m'a dit qu'il n'avait pas besoin du Président pour recevoir des instructions, qu'il pouvait s'autosaisir, qu'il enquêtait sur les sources, pas sur les journalistes… Sauf que ça retombe aussi sur les journalistes.
Ce qui est grave, c'est que dans l'opinion, on s'habitue. Beaucoup de journalistes s'y habituent même si maintenant, comme Sarkozy est bas dans les sondages, je trouve beaucoup plus de journalistes un petit peu plus insolents. Un petit peu. Vous avez vu le spectacle l'autre soir ? « Mme Chazal, répondez ! »

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