Sail Mohamed ben Ameriane Amerzaine (première rangée, au centre)
Membres du groupe international de la Colonne Durruti en 1936 sur le front d'Aragon.Qui était Mohamed Said ?
C'est pour le Dictionnaire Biographique de la Kabylie (DBK) que Saïd Chemakh est allé "déterrer" les écrits d'un des premiers militants kabyles du XXème siècle. Ce dernier, anarchiste, est presque méconnu pour ne pas dire oublié de tous.
Militant anarchiste et indépendantiste né le 14 Octobre 1894 à Taourirt (Aït Ouaghlis).
Ayant fait ses études primaires en Algérie, on ne sait pas par quelles circonstances il s'est retrouvé en France. Pendant la première guerre mondiale, il est interné pour insoumission puis désertion. A sa libération, il s'installe dans la région parisienne et adhère à l'Union Anarchiste. En 1923, il fonde avec Slimane Kiouane le Comité de défense des indigènes algériens.
Dés 1924, ses premiers articles où il dénonce le colonialisme, le centenaire de la conquête de l'Algérie,... dans des publications anarchistes telles que Le Libertaire, La Voix Libertaire...
En 1932, il devient le gérant de L'Éveil social et y publie plusieurs articles où il appelle les Algériens à s'organiser et à se révolter. Mais article antimilitariste lui valut des poursuites judiciaires à la fin de la même année. En 1934, il est arrêté pour possession d'armes prohibées. A sa libération, il continue à militer à l'Union des Anarchistes.
Au début de la Guerre d'Espagne, il s'engage dans le Groupe International de la colonne Durruti (CNT) crée par les anarchistes refusant de se fondre dans les Brigades Internationales qu'ils considèrent contrôlées par les communistes. Ses premières lettres du front furent publiées dès octobre 1936 dans L'Espagne antifasciste. En novembre 1936, il fut blessé prés de Sarragosse et rentra en France.
En 1937, il participe à diverses manifestations : Contre l'interdiction du PPA, contre la répression des manifestants tunisiens et pour le soutien de la révolution espagnole. En 1938, il est arrêté et condamné pour provocation de militaire. Sous l'occupation, il est encore arrêté et interné dans le camp de Riom d'où il s'est échappé. Il se spécialisa jusqu'à la Libération dans la fabrication de faux-papiers.
Dés 1946, il reprit sa lutte anticolonialiste dans le Libertaire et ce jusqu'à sa mort en avril 1953.
La plupart de ses textes sont regroupés sous le titre Appels aux travailleurs algériens et publiés par la Fédération Anarchiste en 1994.
Les textes de Mohamed Saïl sont d'une importance capitale du fait qu'ils démontrent la brillante prise de conscience du militant anarchiste et antifasciste non seulement de sa condition de colonisé devant lutter pour son indépendance.
Pour lui, le combat politique pour une idéologie n'empêche pas le combat pour l'algérianité ni la prise de conscience de l'identité berbère. Cela est d'ailleurs très clair dans son texte La mentalité kabyle (1951) où il décrit avec fierté les valeurs de ces Berbères.
La mentalité kabyle - Affiche du Libertaire
A maintes occasions, j'ai parlé dans ces colonnes du tempérament libertaire et individualiste caractérisé de mes compatriotes berbères d'Algérie. Mais aujourd'hui, alors que la caverne d'Ali Baba d'outre-mer craque et croule, je crois utile d'affirmer, contre tous les pessimistes professionnels ou les rêveurs en rupture de places lucratives que l'Algérie libérée du joug colonialiste serait ingouvernable au sens religieux, politique et bourgeois du mot. Et je mets au défi toutes les canailles prétendant à la couronne d'apporter la moindre raison valable et honnête à leurs aspirations malsaines, car je leur oppose des précisions palpables et contrôlables, sans nier cependant que leur politique a quelque succès quand il s'agit d'action contre le tyran colonialiste.
Il faut voir l'indigène algérien, le Kabyle surtout, dans son milieu, dans son village natal et non le juger sur son comportement dans un meeting, manifestant contre son ennemi mortel : le colonialisme.
Pour l'indigène algérien, la discipline est une soumission dégradante si elle n'est pas librement consentie. Cependant, le Berbère est très sensible à l'organisation, à l'entraide, à la camaraderie mais, fédéraliste, il n'acceptera d'ordre que s'il est l'expression des désirs du commun, de la base. Lorsqu'un délégué de village est désigné par l'Administration, l'Algérie le considère comme un ennemi.
La religion qui, jadis, le pliait au bon vouloir du marabout, est en décadence, au point qu'il est commun de voir le représentant d'Allah rejoindre l'infidèle dans la même abjection. Tout le monde parle encore de Dieu, par habitude, mais en réalité plus personne n'y croit. Allah est en déroute grâce au contact permanent du travailleur algérien avec son frère de misère de la métropole, et quelques camarades algériens sont aussi pour beaucoup dans cette lutte contre l'obscurantisme.
Quand au nationalisme que j'entends souvent reprocher aux AIgériens, il ne faut pas oublier qu'il est le triste fruit de l'occupation française. Un rapprochement des peuples le fera disparaître, comme il fera disparaître les religions. Et, plus que tout autre, le peuple algérien est accessible à l'internationalisme, parce qu'il en a le goût ou que sa vie errante lui ouvre inévitablement les yeux. On trouve des Kabyles aux quatre coins du monde ; ils se plaisent partout, fraternisent avec tout le monde, et leur rêve est toujours le savoir, le bien-être et la liberté.
Aussi, je me refuse à croire que des guignols nationalistes puissent devenir un jour ministres ou sultans dans le dessein de soumettre ce peuple, rebelle par tempérament.
Jusqu'à l'arrivée des Français, jamais les Kabyles n'ont accepté de payer des impôts à un gouvernement, y compris celui des Arabes et des Turcs dont ils n'avaient embrassé la religion que par la force des armes. J'insiste particulièrement sur le Kabyle, non pas parce que je suis moi-même Kabyle, mais parce qu'il est réellement l'élément dominant à tout point de vue et parce qu'il est capable d'entraîner le reste du peuple algérien dans la révolte contre toute forme de centralisme autoritaire.
Le plus amusant de l'histoire, c'est que la bande des quarante voleurs ou charlatans politiciens nous représente le nationalisme d'outre-mer sous la forme d'une union arabe avec l'emblème musulman et avec des chefs politiques, militaires et spirituels à l'image des pays du Levant. J'avoue que le dieu arabe de nos sinistres pantins d'Algérie a bien fait les choses, puisque la guerre judéo-arabe nous révéla que les chefs de l'islamisme intégral ne sont rien d'autre que de vulgaires vendus aux Américains, aux Anglais, et aux Juifs eux-mêmes, leurs prétendus ennemis. Un coup en traître pour nos derviches algériens, mais salutaire pour le peuple qui commence à voir clair.
Pensez donc, un bon petit gouvernement algérien dont ils seraient les caïds, gouvernement bien plus arrogant que celui des roumis, pour la simple raison qu'un arriviste est toujours plus dur et impitoyable qu'un "arrivé" ! Rien à faire, les Algériens ne veulent ni de la peste, ni du choléra, ni d'un gouvernement de roumi, ni de celui d'un caïd. D'ailleurs, la grande masse des travailleurs kabyles sait qu'un gouvernement musulman, à la fois religieux et politique, ne peut revêtir qu'un caractère féodal, donc primitif. Tous les gouvernements musulmans l'ont jusqu'ici prouvé.
Les Algériens se gouverneront eux-mêmes à la mode du Village, du douar, sans députés ni ministres qui s'engraissent à leurs dépens, car le peuple algérien libéré d'un joug ne voudra jamais s'en donner un autre, et son tempérament fédéraliste et libertaire en est le sûr garant. C'est dans la masse des travailleurs manuels que l'on trouve l'intelligence robuste et la noblesse d'esprit, alors que la horde des "intellectuels" est, dans son immense majorité, dénuée de tout sentiment généreux.
Quant aux staliniens, ils ne représentent pas de force, leurs membres se recrutent uniquement parmi les crétins ou déchet du peuple. Car l'indigène n'a guère d'enthousiasme pour se coller une étiquette, qu'elle soit mensongère ou super-fasciste.
Pour les collaborateurs, policiers, magistrats, caïds et autres négriers du fromage algérien, leur sort est réglé d'avance : la corde, qu'ils valent à peine.
Pour toutes ces raisons, mes compatriotes doivent-ils être considérés connue d'authentiques révolutionnaires frisant l'anarchie ? Non, car s'ils ont le tempérament indiscutablement fédéraliste et libertaire, l'éducation et la culture leur manquent, et notre propagande, qui est cependant indispensable à ces esprits rebelles, leur fait défaut
C'est ce pourquoi œuvrent nos compagnons anarchistes de la fédération nord-africaine.
Il faut voir l'indigène algérien, le Kabyle surtout, dans son milieu, dans son village natal et non le juger sur son comportement dans un meeting, manifestant contre son ennemi mortel : le colonialisme.
Pour l'indigène algérien, la discipline est une soumission dégradante si elle n'est pas librement consentie. Cependant, le Berbère est très sensible à l'organisation, à l'entraide, à la camaraderie mais, fédéraliste, il n'acceptera d'ordre que s'il est l'expression des désirs du commun, de la base. Lorsqu'un délégué de village est désigné par l'Administration, l'Algérie le considère comme un ennemi.
La religion qui, jadis, le pliait au bon vouloir du marabout, est en décadence, au point qu'il est commun de voir le représentant d'Allah rejoindre l'infidèle dans la même abjection. Tout le monde parle encore de Dieu, par habitude, mais en réalité plus personne n'y croit. Allah est en déroute grâce au contact permanent du travailleur algérien avec son frère de misère de la métropole, et quelques camarades algériens sont aussi pour beaucoup dans cette lutte contre l'obscurantisme.
Quand au nationalisme que j'entends souvent reprocher aux AIgériens, il ne faut pas oublier qu'il est le triste fruit de l'occupation française. Un rapprochement des peuples le fera disparaître, comme il fera disparaître les religions. Et, plus que tout autre, le peuple algérien est accessible à l'internationalisme, parce qu'il en a le goût ou que sa vie errante lui ouvre inévitablement les yeux. On trouve des Kabyles aux quatre coins du monde ; ils se plaisent partout, fraternisent avec tout le monde, et leur rêve est toujours le savoir, le bien-être et la liberté.
Aussi, je me refuse à croire que des guignols nationalistes puissent devenir un jour ministres ou sultans dans le dessein de soumettre ce peuple, rebelle par tempérament.
Jusqu'à l'arrivée des Français, jamais les Kabyles n'ont accepté de payer des impôts à un gouvernement, y compris celui des Arabes et des Turcs dont ils n'avaient embrassé la religion que par la force des armes. J'insiste particulièrement sur le Kabyle, non pas parce que je suis moi-même Kabyle, mais parce qu'il est réellement l'élément dominant à tout point de vue et parce qu'il est capable d'entraîner le reste du peuple algérien dans la révolte contre toute forme de centralisme autoritaire.
Le plus amusant de l'histoire, c'est que la bande des quarante voleurs ou charlatans politiciens nous représente le nationalisme d'outre-mer sous la forme d'une union arabe avec l'emblème musulman et avec des chefs politiques, militaires et spirituels à l'image des pays du Levant. J'avoue que le dieu arabe de nos sinistres pantins d'Algérie a bien fait les choses, puisque la guerre judéo-arabe nous révéla que les chefs de l'islamisme intégral ne sont rien d'autre que de vulgaires vendus aux Américains, aux Anglais, et aux Juifs eux-mêmes, leurs prétendus ennemis. Un coup en traître pour nos derviches algériens, mais salutaire pour le peuple qui commence à voir clair.
Pensez donc, un bon petit gouvernement algérien dont ils seraient les caïds, gouvernement bien plus arrogant que celui des roumis, pour la simple raison qu'un arriviste est toujours plus dur et impitoyable qu'un "arrivé" ! Rien à faire, les Algériens ne veulent ni de la peste, ni du choléra, ni d'un gouvernement de roumi, ni de celui d'un caïd. D'ailleurs, la grande masse des travailleurs kabyles sait qu'un gouvernement musulman, à la fois religieux et politique, ne peut revêtir qu'un caractère féodal, donc primitif. Tous les gouvernements musulmans l'ont jusqu'ici prouvé.
Les Algériens se gouverneront eux-mêmes à la mode du Village, du douar, sans députés ni ministres qui s'engraissent à leurs dépens, car le peuple algérien libéré d'un joug ne voudra jamais s'en donner un autre, et son tempérament fédéraliste et libertaire en est le sûr garant. C'est dans la masse des travailleurs manuels que l'on trouve l'intelligence robuste et la noblesse d'esprit, alors que la horde des "intellectuels" est, dans son immense majorité, dénuée de tout sentiment généreux.
Quant aux staliniens, ils ne représentent pas de force, leurs membres se recrutent uniquement parmi les crétins ou déchet du peuple. Car l'indigène n'a guère d'enthousiasme pour se coller une étiquette, qu'elle soit mensongère ou super-fasciste.
Pour les collaborateurs, policiers, magistrats, caïds et autres négriers du fromage algérien, leur sort est réglé d'avance : la corde, qu'ils valent à peine.
Pour toutes ces raisons, mes compatriotes doivent-ils être considérés connue d'authentiques révolutionnaires frisant l'anarchie ? Non, car s'ils ont le tempérament indiscutablement fédéraliste et libertaire, l'éducation et la culture leur manquent, et notre propagande, qui est cependant indispensable à ces esprits rebelles, leur fait défaut
C'est ce pourquoi œuvrent nos compagnons anarchistes de la fédération nord-africaine.
Mohamed SAÏL (ben Ameriane Amerzaine) - Le Libertaire du 16 février 1951
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