La campagne de harcèlement à laquelle se livre l'industrie du copyright en Suède a conduit à la création du premier parti politique dont le programme vise à réduire les restrictions dues au copyright : le Parti Pirate. Parmi ses propositions, on trouve l'interdiction des DRM, la légalisation du partage à but non lucratif d'œuvres culturelles, et la réduction à une durée de cinq ans du copyright pour une utilisation commerciale. Cinq ans après sa publication, toute œuvre publiée passerait dans le domaine public.
Dans l'ensemble, je suis favorable à ces changements, mais l'ironie de la chose, c'est que ce choix particulier effectué par le Parti Pirate aurait un effet néfaste sur le logiciel libre. Je suis convaincu qu'ils n'avaient nulle intention de nuire au logiciel libre, mais c'est pourtant ce qui se produirait.
En effet, la GNU General Public License [ou licence GPL, NdT] et d'autres licences copyleft se servent du copyright pour défendre la liberté de tous les utilisateurs. La GPL permet à chacun de publier des programmes modifiés, mais à condition de garder la même licence. La redistribution d'un programme qui n'aurait pas été modifié doit elle aussi conserver la même licence. Et tous ceux qui redistribuent doivent donner aux utilisateurs l'accès au code source du logiciel.
Pourquoi les propositions du Parti Pirate suédois affecteraient-elles un logiciel libre placé sous copyleft ? Au bout de cinq ans, son code source passerait dans le domaine public, et les développeurs de logiciel privateur pourraient alors l'inclure dans leurs programmes. Mais qu'en est-il du cas inverse ?
Le logiciel privateur est soumis à des CLUF, pas seulement au copyright, et les utilisateurs n'en ont pas le code source. Même si le copyright permet le partage à but non commercial, il se peut que les CLUF, eux, l'interdisent. Qui plus est, les utilisateurs, n'ayant pas accès au code source, ne contrôlent pas les actions du programme lorsqu'ils l'exécutent. Exécuter un de ces programmes revient à abandonner votre liberté et à donner au développeur du pouvoir sur vous.
Que se passerait-il si le copyright de ce programme prenait fin au bout de cinq ans ? Cela n'obligerait en rien les développeurs à libérer le code source, et il y a fort à parier que la plupart ne le feront jamais. Les utilisateurs, que l'on privera toujours du code source, se verraient toujours dans l'impossibilité d'utiliser ce programme en toute liberté. Ce programme pourrait même contenir une « bombe à retardement » conçue pour empêcher son fonctionnement au bout de cinq ans, auquel cas les exemplaires passés dans le « domaine public » ne fonctionneraient tout simplement pas.
Ainsi, la proposition du Parti Pirate donnerait aux développeurs de logiciels privateurs la jouissance du code source protégé par la GPL, après cinq ans, mais elle ne permettrait pas aux développeurs de logiciel libre d'utiliser du code propriétaire, ni après cinq ans, ni même cinquante. Le monde du Libre ne récolterait donc que les inconvénients et aucun avantage. La différence entre code source et code objet, ainsi que la pratique des CLUF, permettraient bel et bien au logiciel privateur de déroger à la règle générale du copyright de cinq ans, ce dont ne pourrait profiter le logiciel libre.
Nous nous servons aussi du copyright pour atténuer en partie le danger que représentent les brevets logiciels. Nous ne pouvons en protéger complètement nos programmes, nul programme n'est à l'abri des brevets logiciels dans un pays où ils sont autorisés, mais au moins nous empêchons qu'on les utilise pour rendre le programme non-libre. Le Parti Pirate propose d'abolir les brevets logiciels, et si cela se produisait, ce problème ne se poserait plus. Mais en attendant, nous ne devons pas perdre notre seul moyen de protection contre les brevets.
Aussitôt après que le Parti Pirate a annoncé ses propositions, les développeurs de logiciel libre ont décelé cet effet secondaire et proposé qu'on établisse une règle à part pour le logiciel libre : on allongerait la durée du copyright pour le logiciel libre, de sorte que l'on puisse le garder sous licence copyleft. Cette exception explicite accordée au logiciel libre contrebalancerait l'exception de fait dont bénéficierait le logiciel privateur. Dix ans devraient suffire, à mon sens. Toutefois, cette proposition s'est heurtée à une forte résistance des dirigeants du Parti Pirate, qui refusent de faire un cas particulier en allongeant la durée du copyright.
Je pourrais approuver une loi par laquelle le code source d'un logiciel placé sous licence GPL passerait dans le domaine public au bout de cinq ans, à condition que cette loi ait le même effet sur le code source des logiciels privateurs. Car le copyleft n'est qu'un moyen pour atteindre une fin (la liberté de l'utilisateur), et pas une fin en soi. En outre, j'aimerais autant ne pas me faire le chantre d'un copyright plus fort.
J'ai donc proposé que le programme du Parti Pirate exige que le code source des logiciels privateurs soit déposé en main tierce dès la publication des binaires. Ce code source serait ensuite placé dans le domaine public au bout de cinq ans. Au lieu d'accorder au logiciel libre une exception officielle à la règle des cinq ans de copyright, ce système éliminerait l'exception officieuse dont bénéficierait le logiciel privateur. D'un côté comme de l'autre, le résultat est équitable.
Un partisan du Parti Pirate a proposé une variante plus large de ma première suggestion : une règle générale selon laquelle le copyright serait allongé à mesure que l'on accorde plus de liberté au public dans l'utilisation du programme. Cette solution présente l'avantage d'insérer le logiciel libre dans un mouvement collectif de copyright à durée variable au lieu de n'en faire qu'une exception isolée.
Je préfèrerais la solution de la main tierce, mais l'une ou l'autre de ces méthodes éviterait un retour de flamme, particulièrement nuisible au logiciel libre. Il existe sans doute d'autres solutions. Quoi qu'il en soit, le Parti Pirate suédois devrait éviter d'infliger un handicap à un mouvement spécifique lorsqu'il se propose de défendre la population contre les géants prédateurs.
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The Pirate Bay : Le juge était une taupe
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Rebondissement suite au procès de The Pirate Bay. Le juge en charge de l’affaire était impliqué dans divers lobbies pro-copyright. Le jugement pourrait être annulé.
Bonne nouvelle:
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The Pirate Bay : Le juge était une taupe
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Rebondissement suite au procès de The Pirate Bay. Le juge en charge de l’affaire était impliqué dans divers lobbies pro-copyright. Le jugement pourrait être annulé.
Peter Sunde, alias brokep, est l’un des trois responsables de The Pirate Bay condamnés la semaine dernière à un an de prison et 30 millions de couronnes d’amende – qu’ils ne comptent payer sous aucun prétexte. On savait déjà que le verdict n’avait guère entamé son enthousiasme, mais la lecture de son Twitter aujourd’hui avait toutefois de quoi surprendre à première vue : « Oh, comme j’aime l’odeur de la victoire de bon matin ». La raison de l’humeur si joviale et lyrique de Sunde ? Un scoop. Un joli scoop, du genre pavé dans la mare, sorti aujourd’hui par la radio publique suédoise Sveriges Radio.
D’après la station, le juge Tomas Norström, en charge du procès The Pirate Bay, a été membre de plusieurs organisations de défense du droit d’auteurs. Des lobbies comme la SFIR (l’association suédoise pour la protection de la propriété intellectuelle ) ou encore la Swedish Association of Copyright (SFU) dont font partie plusieurs plaignants de l’affaire. Autant dire que l’ombre du conflit d’intérêt plane désormais sur le verdict, et la défense entend bien bénéficier de cette retentissante bévue.
« Nos avocats vont tenter de faire annuler le jugement. Ils sont tellement furibards que ça fait peur », explique à nouveau Sunde sur son Twitter, via lequel il a également diffusé un document (en pdf et en suédois) compromettant pour le juge Tomas Norström. Il s’agit d’un courrier daté de juin 2001 écrit par Marianne Levin au nom de la SFIR. L’organisation, dont le juge a été membre, invitait alors l’Union Européenne à durcir la loi « sur la responsabilité des intermédiaires » en matière de mise à disposition de contenus protégés sur le Net. De quoi mettre encore un peu plus en doute l’impartialité du juge, d’autant que plusieurs de ses confrères avaient été écartés du procès avant lui pour des raisons similaires. Étrangement, les vérifications habituelles n’ont a priori pas été conduites dans son cas, ou alors de façon très succincte.
Peter Althin, l’avocat de Peter Sunde, a déclaré : « Je ferai référence à ce fait quand nous ferons appel, et la Cour devra alors décider si la décision du Tribunal doit être écartée et l’affaire jugée à nouveau. » Du côté du Parti Pirate suédois, dont le nombre d’adhésions a augmenté de façon exponentielle depuis la semaine dernière, on ne rate pas une telle occasion de tacler le système à quelques semaines des élections européennes. Pour son président Rickard Falkvinge, qui demande à ce que le verdict soit annulé, « le lobby du copyright a vraiment réussi à corrompre la Suède ». Un nouveau « modèle scandinave » pour le gouvernement français ?
Hadopi : le Conseil constitutionnel censure la riposte graduée
Le Conseil constitutionnel a censuré, mercredi 10 juin, la partie sanction de la loi Hadopi – la "riposte graduée" – sur le téléchargement illégal. Considérant qu'"Internet est une composante de la liberté d'expression et de consommation", et qu'"en droit français c'est la présomption d'innocence qui prime", le Conseil rappelle que "c'est à la justice de prononcer une sanction lorsqu'il est établi qu'il y a des téléchargements illégaux". "Le rôle de la Haute Autorité (Hadopi) est d'avertir le téléchargeur qu'il a été repéré, mais pas de le sanctionner", conclut le Conseil.
"les articles 5 et 11 de la loi déférée confiaient à la commission de protection des droits de l’HADOPI des pouvoirs de sanction l’habilitant à restreindre ou à empêcher l’accès à Internet à des titulaires d’abonnement. Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l’exercice, par toute personne, de son droit de s’exprimer et de communiquer librement. Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d’auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu’au juge"
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