mardi 1 janvier 2013

Les fugueuses renforcent la ZAD

Tout espace de liberté attire à lui immanquablement l'ensemble des contradictions sociales irrésolues qui abondent au quotidien dans le dépotoire capitaliste. Vouloir s'y soustraire ou regretter que se pose tel ou tel problème humain est une erreur grave, nous sommes au contraire dans la necessitté d'y répondre quoi qu'il en coute et même sans y etre préparés. 
Il est donc normal que la ZAD soit confronté à des problèmes comme celui des fugueurs(ses). Ouvrir un espace de liberté, même un simple squat, c'est se confronter aux multiples galères qui sont le quotidien  de l'humanité et devoir y répondre. 
IVG, contraception, SIDA, toxicomanie, problèmes judiciaires, alcoolisme, hépatites, paperasses débiles, pétages de plomb, prostitution...

Cette période de l'année fait partie des creux du spectacle. Le temps pseudo-cyclique imposé qui rythme la société marchande. Le spectateur doit y trouver une atmosphère rassurante dans la répétition du même récurent. Le banal et l'insignifiant mou comme musique d'ambiance aux compulsions d'achats de gris-gris, mais le tout surveillé de très prés par une mobilisation maximum des différents services de polices.

Les médias organisent un festival de banalités rassurantes et de fait divers niais entre les déclarations du Pape, des présidents et autres symboles d'autorité constitués, les sports de masse y tiennent leur rôle (Paris Dakar, courses de voiliers). Dans ce temps en creux du spectacle tout ce qui peut renforcer la "cellule" familiale est mis en avant avec recherche du Happy End, de l'historiette d'une grenouille aux aventures d'un pinson, une crèche virtuelle est reconstituée pour ramollir davantage le peu d'esprit du spectateur.
Dans ce cadre une histoire de fugueuses ou la fuite d'un trisomique recherché par Facebook s'impose comme la une pendant les 15 jours de "Trêve des Confiseurs" pour faire oublier les réalités du "Mur Budgétaire" qui menace le capitalisme mondialisé...

Si réellement la ZAD avait été un enfer les aventures de Camille et Geneviève auraient renforcé le discours officiel mais  c'est le contraire et cela met en avant le choix libre et réfléchi des deux jeunes filles de vivre pleinement une expérience en dehors des aliénations imposées à ceux et à celles désignés comme "Mineurs". Ce qui est mineur est peu dans l'ordre dominant des valeurs hiérarchisées...
L'expérience de la ZAD en sort renforcé et y gagne en crédibilité. Les deux fugueuses ont la possibilité de faire leur choix librement: Continuer l'aventure ou en repartir avec leur famille, un choix qu'elles vivront différemment sans même laisser la possibilité aux médias de les dénigrer comme ils le font habituellement, ni de dénigrer la ZAD qui montre cette réalité du choix comme valeur humaine fondamentale toujours niée dans la société capitaliste.

Oui, une belle et bonne histoire humaine au milieu du désastre marchand qui en est lui à recompter le nombre de voitures brûlées comme signe radical de sa négation.

1 193 voitures brûlées pendant le réveillon, Record de voitures brûlées Battu !
L'ancien record de 2009 (1147 tires) est passé haut la main...
Comme il est impossible aussi rapidement de donner un bilan définitif le provisoire de 1193 caisses est absolument sous-évalué mais des tendances s'imposent: Le 9.3 en force remporte la palme avec plus 86 véhicules incendiés.
Voici la liste des neufs départements les plus touchés par les incendies de véhicules lors de la nuit de la Saint-Sylvestre 2012.

1. Seine-Saint-Denis: 83
2. Haut-Rhin: 72
3. Bas-Rhin: 70
4. Nord: 61
5. Bouches-du-Rhône: 51
6. Val-de-Marne: 49
7. Rhône: 49
8. Val-d'Oise: 48
9. Haute-Garonne: 44


L’État et sa police clament "que personne n'a d'explications" sauf que c'est sur Strasbourg que tout a commencé.
Nous allons donner notre explication du phénomène.
En 1978 (Les 21 et 22.1.1978) un rassemblement européen des Autonomes contre "l'Europe des polices" est organisé à Strasbourg (lire feu Matin d'un Blues). A cette occasion et après un voyage en cars folklorique et encadré sur l'autoroute de l'Est le noyau de l'Autonomie parisienne débarque sur place avec l'intention d'y organiser avec les forces locales une manif Offensive malgré un quadrillage de la ville jamais vu de mémoire de strasbourgeois...
Ce quadrillage dément attire l'attention de nombreux jeunes du cru qui se préparaient au traditionnel Carnaval des Voyous de Strasbourg (interdit en 1978 et devenu sauvage).
Pendant la manif plusieurs voitures sont incendiées dans la nuit tombante offrant un spectacle éblouissant de lumières tournoyantes qui séduit et marque de nombreux banlieusards qui en feront part à leur copains et déciderons d'utiliser cette méthode pour illuminer leurs fêtes dans les années 80. De quartiers en quartiers l'usage se répandra et débordera sur tout l'Est de la France jusqu’à se généraliser peu à peu dans tous le pays. Les banlieusards parisiens auront maintes fois l'occasion d'admirer ce spectacle brûlant pendant les manifestation lycéennes des années 90 et adopterons eux aussi cette tradition issue de MAI68 avec le scandaleux record de la rue Gay-Lussac ou 100 voitures avaient été carbonisés pendant les affrontements...
http://archivesautonomies.wordpress.com/2012/10/15/carnaval-a-strasbourg/
http://www.revue-des-sciences-sociales.com Voir le PDF

Le 17.12.1977, la police intervient assez violemment pour interdire la manifestation de protestation à l'occasion de l'attentat dirigé contre le Foyer Sonacotra. Les 21 et 22.1.1978, deux mille cinq cent policiers quadrillent la ville en vue d'interdire le rendez-vous international des Autonomes. L.es contrôles policiers incessants obligent «les jeunes en jean's et cheveux longs» à rester chez eux pendant deux jours.

Vu de la ZAD:
C’est bien foutu la société

Ah les grand-es moralisateurices s’en donnent à cœur joie, des milliers de fugues passent inaperçues, mais l’envie de vivre autre chose de deux jeunes fait la une de l’actualité. Un peu comme pour les otages, quand il s’agit de journalistes la corporation s’en inquiète quotidiennement, mais il suffit qu’illes soient libéré-es pour que l’actualité devienne hebdomadaire pour les autres, autant dire insignifiante, il en ira de même des fugueureuses.

Dans ce cas d’ailleurs peut on parler de fugue ? Une fugue c’est une fuite, un échappatoire, la nécessité à moment donné de quitter un quotidien qui vous étouffe, qui vous opprime, pour aller ailleurs, n’importe où. Quelqu’un parmi les journalistes qui se perdent en délire collectif, s’est-il posé la question de savoir si ces jeunes n’ont pas plutôt souhaité-es faire un voyage, vivre autre chose, se laisser guider par leurs désirs ? Sans les connaître, sans les avoir croisé, j’attendrai que Camille et Geneviève précisent si pour eulles c’était une fugue ou une vogue.

En tous cas il semble que leur voyage réponde à au moins un des slogans entendu dans la lutte contre le projet d’AGO : ”en finir avec leur monde” et ce monde s’articule autour de la famille nucléaire, privant les moins âgés de libre choix, les plaçant sous la tutelle de parent-es, des jeunes jugé-es incapables de discernement pour ce qui concerne leurs envies de rencontre, d’évasion, d’éducation, etc… Sauf dans un cas, si illes commettent un délit pénal. Là c’est pas tout à fait pareil, si illes font une connerie ce ne peut être à cause de l’environnement familial, ce ne peut être à cause de leur environnement social de merde, la seule possibilité c’est qu’illes soient responsables individuellement, leur environnement pourra être une circonstance plus ou moins pénalisante, mais c’est eulles seul-es qui en seront responsables. Imaginons que Geneviève et Camille, aient plutôt choisi-es dans leur périple de vivre de chapardage, prenant à droite et à gauche dans quelques commerces de quoi subsister et qu’illes aient déjà été en contact avec la justice pour des faits identiques. Illes seraient des délinquant-es récidivistes, pénalement responsables. Illes auraient la porte du cachot ouverte et les grand-es moralisateurices du moment en appelleraient à la sévérité de la ”justice”.

Et oui chères camarades, selon eulles, vous êtes assez âgé-es pour vivre en prison mais bien trop jeunes pour vivre libre. Vous ne pouvez vous résigner à ce constat ? Si c’est le cas, tant mieux et je suis de tout cœur avec vous, mais cette lutte est encore bien plus difficile à mener que celles des zadistes, c’est une lutte permanente, totale, contre tousses et d’abord contre soi-même, contre ce qu’on veut nous inculquer ou qu’on nous a inculqué. Des prisons il y en a de toutes sortes, famille, école, usine, morale, … vouloir les détruire est un combat de toute la vie.

Si les réactions journalistiques sont si violentes, si les commentaires sur les blogs ou sites ”d’infos” sont si durs, c’est parce que Geneviève et Camille ont osé-es remettre en cause la famille et leur dépendance à l’autorité parentale, illes ont osé-es proclamer qu’illes étaient en droit de choisir ce qu’illes voulaient faire de leur vie, librement. Illes ne sont pas mineur-es, mais aptes à faire les choix qui les concernent, vitalement responsables. Les familles s’inquiètent nous dit-on, heureusement qu’illes s’inquiètent, illes ont décidés que c’est d’eulles que devait venir l’éducation apportée aux plus jeunes et illes n’ont jamais pensé-es à leur apprendre à vivre libre, illes n’ont jamais pensé-es à leur expliquer ce que pourrait être le quotidien sans eulles, illes s’inquiètent parce que ces deux jeunes ne sauraient pas (selon eulles) se débrouiller, se protéger, … Illes s’inquiètent parcequ’illes ont pris soin de ne pas leur apprendre tout ça. Pour les garder égoïstement sous leur aile, pour conserver leur pouvoir, illes les ont privé-es de ces confrontations à l’indépendance, illes leur ont appris à se prononcer en fonction des choix qu’illes leur proposent, sans jamais les avoir associé-es à la définition de ces choix, ou alors simplement sur des sujets secondaires.

Illes s’inquiètent surtout, parce que les unes et les autres se rendent compte, qu’en fait les jeunes n’ont pas besoin d’eulles, que les parent-es ne sont utiles aux jeunes que tant qu’illes n’ont pas la possibilité de se nourrir par eulles-mêmes (et encore ce pourrait être aussi un besoin assumé par la société, comme cela c’est apparemment passé pour Camille et Geneviève, nourri-es par le partage de dons de tous horizons).

Ce qui alimente la déferlante de commentaires haineux, moralistes et finalement très cons, sur la toile, c’est la peur de tousses ces ”adultes” qui voient bien que la supercherie de l’autorité parentale est ici mise au grand jour, en pleine lumière. Illes voient bien que rien ne peut empêcher une personne quel que soit son âge de partir. Pourquoi faut-il ”ne pas laisser les enfants sans surveillance” ? Parce que sinon illes se rendraient compte de l’inutilité de la famille, illes se rendraient compte qu’illes peuvent se laisser guider par leurs désirs. Le problème étant que personne aujourd’hui ne les a éduqué à mesurer les risques, à faire attention, à évaluer une situation ”hors cadre familial”, … L’éducation se borne à apprendre à respecter l’autorité, à travailler, à apprendre des choses dont la plupart d’entre nous n’ont que faire. Rares sont les adultes qui préparent les enfants à l’indépendance, illes sont éduqué-es à être autonome dans une société de juges, de patron-nes, de représentant-es, … une société de flics.

On nous parlera sans doute bientôt de risque d’acte pédophile auxquels les deux ami-es se sont exposé-es, sans jamais remettre en cause le pouvoir que se donnent les ”adultes” sur les ”enfants” ou les ”hommes” sur les ”femmes”, comme partie responsable de ces actes, sans jamais se poser la question de savoir si l’éducation au respect total des choix de chaque personne petite ou grande, ne serait pas la meilleure protection à toutes les violences auxquelles sont exposées les individu-es jugé-es plus faibles.

Vous le savez aussi Geneviève et Camille, tout le monde a accès à toute la pornographie possible sur internet ou à la télé, illes mettent le sexe au centre de toutes relations, mais c’est votre choix de route qui va être jugé irresponsable. Que voulez-vous, la pornographie leur rapporte beaucoup de fric, votre liberté zéro. Vous n’avez pas le droit d’avoir des envies, des désirs qui sortent de ce qu’illes estiment de ”bonne morale” si ça ne leur rapporte rien, le flirt hétéronormé à la limite, mais pas plus, vous verrez les moralistes réactionnaires, vont vous le rappeler très bientôt, avant d’aller se branler devant la dernière vidéo XXX, ou de retrouver leur amant-e hors de leur ”famille”, noyau familial sacré quand ça les arrange (certain-es même y accompliront des fantasmes bi ou homosexuel à deux ou plus, soyez-en sûr-es).

On pourrait discourir encore longtemps sur ce que Geneviève et Camille, parmi tant d’autres mettent en lumière par leur choix et la façon dont illes ont mené-es leur périple, tous ce que leur expérience met en lumière comme carences dans ”la bonne éducation”, comme carences dans la société, mais pour moi un fait est certain, cette vogue [si il s'agit bien d'une vogue (?)] autonome et autant que je puisse en juger organisée, est une pierre (et pas la moindre), de la fin de leur monde !!


                                                                                 Merci les copaines ;-) kmilles sabords

                                                                                      Zone À Défendre, 31 décembre 2012

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