vendredi 19 août 2011

Les terres rares et les nouvelles technologies vertes…

 Fluo.


La dernière catastrophe nucléaire au Japon a montré, une fois de plus, en quoi cette énergie soit disant propre et sûre n’est qu’un vaste mensonge d’États et de scientifiques qui, main dans la main, jouent aux apprentis sorciers avec nos vies. Cet accident n’est pas un cas isolé ou une dérive. Pas un jour ne passe sans un incident dans l’une ou l’autre installation nucléaire. Un rejet par ci, une fuite radioactive par là…
Dans ce contexte réapparaît, à coup de grosses campagnes pré-électorales, la nécessité de se mettre massivement aux énergies renouvelables comme alternative au nucléaire. Dans ces discours, nulle remise en question du système capitaliste, de la gestion de population par les états,… Bien au contraire! L’argument principal est la fameuse croissance économique “verte” avec son lot de joyeusetés que permettrait l’expansion de ces énergies…
Certains textes expriment déjà très bien ces critiques à l’encontre des promoteurs d’une amélioration écologique du capitalisme (1) et je me concentrerai ici sur un aspect très restreint de la question: les matériaux -et en particulier les “terres rares”- qui composent ces nouvelles technologies .
La question n’est pas ici de rentrer dans des discours de spécialistes ou bien encore de chercher des alternatives à l’utilisation de tel ou tel matériau polluant car il n’existe pas de production industrielle qui ne soit responsable de catastrophes écologiques et sociales. Le but de ce texte est uniquement d’avoir quelques outils en main pour comprendre de quoi ces énergies soit disant vertes sont le nom.

1/Utilisation des terres rares

Les terres rares sont un ensemble de 17 métaux(2) aux propriétés particulières et utilisées de plus en plus ces dernières années dans l’industrie de pointe. Des téléphones portables aux écrans tactiles, des disques durs aux GPS, ils sont présents dans la plupart des nouvelles technologies.
Puisque, comme d’habitude, l’industrie civile et militaire avancent main dans la main, ces matériaux sont présents en masse dans les armes et munitions perfectionnées (missiles de croisière, munitions guidées, blindages réactifs, lasers,…) (3) et l’on comprend mieux l’importance stratégique d’une telle ressource. Les nouvelles industries « vertes » sont, elles aussi, particulièrement gourmandes en terres rares : panneaux solaires, ampoules basse consommation, batteries de véhicules hybrides, turbines d’éoliennes industrielles,…
La demande en terres rares augmente de plus de 10% par an. Elle est passée, en une décennie, de 40 000 à 120 000 tonnes annuelles. Et la montée en puissance de l’industrie « verte » pourrait faire grimper la demande annuelle à 200 000 tonnes selon des estimations. (4)
Chaque turbine d’éolienne industrielle nécessite en effet plusieurs centaines de kilos de terres rares (600kg pour une éolienne de 3mégawatts)

2/Procédés d’extraction des terres rares.

La quasi totalité des mines se situent aujourd’hui en Chine qui produit 95% de la demande mondiale. Certains États souhaitent la réouverture de leurs anciennes mines (fermées pour cause de trop forte pollution malgré des seuils d’acceptation élevés…) étant donné l’enjeu stratégique et économique d’une telle ressource.
L’obtention du produit fini utilisable pour des applications industrielles nécessite un niveau de pureté extrêmement élevé (jusqu’à 99,9999% pour certaines technologies « vertes »). (5)
Pour y parvenir, cela passe par 3 étapes.(6) Chacune des opérations de ce processus nécessitent, non seulement une très forte consommation énergétique mais également l’utilisation de substances chimiques extrêmement polluantes (acide chlorhydrique, sulfurique et nitrique notamment). Enfin, la purification rejette des métaux lourds ainsi que des déchets radioactifs ( plomb, mercure, cadmium…). Les conséquences d’une telle industrie sont très importantes sur les ouvriers exploités à la mine (explosion du nombre de cancers) ainsi que sur l’environnement. En Chine, les rejets des mines de Baotou Steel dans le fleuve jaune constituent désormais un problème énorme. Les acides s’infiltrent dans le sol, les ruisseaux et les rivières, détruisant les rizières et les réserves d’eau potable.

3/Fabrication et installation des éoliennes

Les terres rares sont loin d’être le seul point noir de la « belle et propre industrie du vent ». Polyester, vinyle, époxy, polyuréthane utilisés sous différentes formes protègent les gigantesques mâts d’acier des éoliennes (100/150mètres de hauteur) et renforcent les fibres de carbone ou de verre qui entrent dans la composition des pâles.(7) Chaque éolienne contient également plus de 4 tonnes de cuivre extrait dans les gisements d’Amérique du Sud (Chili et Pérou principalement)(8). Là bas, des villages entiers ont été expropriés par la force armée pour permettre aux firmes occidentales d’exploiter la richesse du sous sol et l’énergie ou la vie des ouvriers.
Du silicium irradié est également utilisé directement dans les éoliennes industrielles (mais aussi les véhicules hybrides ou les panneaux photovoltaïques) pour des applications microélectroniques. Le silicium est « dopé » dans des réacteurs de recherche nucléaires(9) en y introduisant, par irradiation, des atomes d’un autre matériau afin d’augmenter ses performances.(10)
Après ça, ce sont encore des milliers de bateaux, d’avions, de trains et de camions (11) qui achemineront l’éolienne sur le lieu décidé après en avoir dégagé et bétonné l’accès ainsi que les fondations. (12)
Et quelle belle image nous pourrons enfin admirer, photographier et présenter comme symbole d’un nouveau monde, plus beau, plus propre…
Quand des écolos viennent (bénévolement) faire la promotion des énergies renouvelables industrielles, c’est tout bénéfice pour les entreprises qui investissent dans ce nouveau secteur du capitalisme revigoré.
Non seulement celles-ci se donnent une bonne image mais offrent également l’impression d’écouter et de prendre en compte l’avis des « citoyens participatifs » inquiets qui se sentent ainsi rassurés. Elles montrent leur bonne volonté à agir contre la catastrophe écologique qu’elles ont largement contribué à créer et s’assurent un bel avenir en se trouvant un nouveau marché porteur de belles promesses juteuses.
Areva, géant nucléaire français (et mondial), s’apprête ainsi à signer un contrat de 10 milliards d’euros  pour la construction de nouveaux parcs éoliens en France en parallèle à ses nouveaux projets nucléaires plus que jamais en développement. Areva projette même la construction d’une usine d’éoliennes en France (13). Au moins ce sera « local » se réjouiront certains…
Étant donné l’évidente impasse écologique et sociale dans laquelle la société industrielle nous a mené et veut nous enfermer encore un peu plus à coup de « recyclage du capitalisme » il est plus que nécessaire de remettre dès aujourd’hui en route une critique globale de notre monde. De faire mordre un peu la poussière à tous ces gestionnaires de nos vies par des luttes déterminées en paroles comme en actes! Et ainsi espérer pouvoir tenter et expérimenter de nouveaux rapports avec en toile de fond ce vieux désir de liberté… avec toutes les incertitudes que cela comporte mais aussi et surtout les belles promesses.

(1) vous pouvez lire à ce sujet « Le vent nous porte sur le système. Comment être anti nucléaire sans devenir pro-éolien » ainsi que de nombreuses autres brochures disponibles sur  http://www.lesliquidateursduvieuxmonde.wordpress.com
(2) les 17 éléments : Scandium, yttrium, lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhéum, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium
(3) « Rare earth materials in the defense supply chain » (PDF), gao.gov, 14 avril 2010
(4)« Comment la Chine a gagné la bataille des métaux stratégiques » in Le Monde Diplomatique
(5) Entretien avec Christian Hocquard (économiste des matières premières au BRGM)
(6) les 3 étapes :le traitement du minerai, l’isolement du groupe, la séparation des éléments
(7)  in « Le sens du vent. Notes sur la nucléarisation de la France au temps des illusions renouvelables » Editions des Nuisances, 2010
(8) Alain Gras, « La part maudite de l’électricité verte » l’Ecologiste, juillet-septembre 2009.
(9) dont le BR2 du SCK CEN à Mol (Belgique)
(10) « Aller vers l’avenir avec le silicium » in : www.nuclearforum.be (site pro nucleaire)
(11) 215 camions par éolienne uniquement pour le socle de la structure (pierres concassées et béton)
(12) « Sur le pillage de la terre et la bonne conscience du « greenwashing » » In: http://voisinedeoliennesindustrielles.bleublog.lematin.ch/
(13) Le Monde, 27 avril 2011

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