dimanche 7 août 2011

L ’avenir des plan­tes trans­gé­ni­ques en France


L ’avenir des plan­tes trans­gé­ni­ques en France s’est joué cet été : pour la pre­mière fois dans l’Hexagone, une quan­tité signi­fi­ca­tive d’orga­nis­mes géné­ti­que­ment modi­fiés(OGM) - soit 4500 hec­ta­res de « maïs insec­ti­cide » - a pu être récol­tée et vendue léga­le­ment. Les escar­mou­ches pro­vo­quées par les Faucheurs volon­tai­res, José Bové en tête, n’y ont rien changé.

C’est une vic­toire plus que sym­bo­li­que pour les semen­ciers, rem­por­tée au cœur de la pre­mière puis­sance agri­cole de l’Union euro­péenne, der­nier bas­tion anti-OGM à tenir encore à peu près debout. Monsanto triom­phe sur tous les autres conti­nents. Le chif­fre d’affai­res de cette firme amé­ri­caine (plus de 80 % du marché mon­dial des semen­ces trans­gé­ni­ques) a crû de 21% cette année. Les cultu­res d’OGM attei­gnent un sep­tième du maïs, un quart du coton et près des deux tiers du soja plan­tés sur terre, selon les don­nées foçur­nies par l’agro-indus­trie bio-tech­no­lo­gi­que.Leur sur­face glo­bale pro­gres­se­rait de plus de 10% par an. Certes, seuls une ving­taine de pays les culti­vent, mais parmi eux figu­rent les plus grands expor­ta­teurs agri­co­les, y com­pris, désor­mais, la France.
La pres­sion est si forte qu’il semble illu­soire d’espé­rer main­te­nir une fron­tière imper­méa­ble entre la filière trans­gé­ni­que et les semen­ces dites « conven­tion­nel­les ». Début sep­tem­bre des traces d’OGM ont été décou­ver­tes dans le riz exporté par les Etats Unis vers l’Europe et l’ Asie. L’ampleur du scan­dale a conduit le Japon à bannir le riz amé­ri­cain. Depuis 1996, Greenpeace a recensé 107 cas avérés de « conta­mi­na­tions » et de ventes illé­ga­les, dont 23 en Europe. Bruxelles auto­rise aujourd’hui la com­mer­cia­li­sa­tion de près de 30 varié­tés de plan­tes trans­gé­ni­ques. La conquête des champs et des rayons des maga­sins d’ali­men­ta­tion n’est ralen­tie que par l’hos­ti­lité de .la plu­part des consom­ma­teurs euro­péens, dont les trois quarts des Français. La FNSEA (Fédération natio­nale des syn­di­cats d’exploi­tants agri­co­les), pre­mier syn­di­cat agri­cole fran­çais, n’est pas hos­tile aux OGM. Mais son vice-pré­si­dent, Didier Marteau, admet sans peine que le « besoin de passer au trans­gé­ni­que n’a pour l’ins­tant rien d’évident ». Les OGM sont en passe de rem­por­ter la partie pla­né­taire enga­gée il y a une décen­nie. Nul ne sait si une agri­culture 100% non-OGM pourra long­temps être pré­ser­vée. Pourtant, on ignore encore si les plan­tes trans­gé­ni­ques sont vrai­ment néces­sai­res.
OGM « PIRATES »
Combien de temps le marché euro­péen résis­tera-t-il encore ? D’autres ont déjà cédé. Au Brésil et en Inde, deux géants agri­co­les qui ont cher­ché un temps à endi­guer l’avan­cée des OGM, la contre­bande de semen­ces trans­gé­ni­ques a pris une ampleur déconcer­tante. Le marché noir indien a dépassé le volume des ventes léga­les d’OGM dès 2004, deux ans seu­le­ment après leur auto­ri­sa­tion par­tielle. Dans les vil­la­ges de l’Etat du Maharashtra sans trop se cacher, des détaillants ven­daient début juin des sacs de reconnaît semen­ces sous des mar­ques far­fe­lues comme BesT Cotton - indi­ces gros­siers pour dire que ces sacs contien­nent bien du coton BT de Monsanto -, pro­po­sés à moitié prix. Candidate à l’entrée dans l’Union euro­péenne, la Roumanie a, elle aussi, perdu le contrôle de son­soja trans­gé­ni­que Round-up Ready, inter­dit dans l’UE. Les semen­ciers reconnais­sent la vente de la moitié des 85 ooo hec­ta­res plan­tés cette année avec ce soja résis­tant à l’her­bi­cide Roundup de Monsanto. Le reste ? Des OGM « pira­tes », semen­ces illé­ga­les culti­vées et reven­dues dis­crè­te­ment. Si on en croit leurs détrac­teurs, les firmes de bio­tech­no­lo­gie ne ver­raient pas d’un trop mau­vais œil ce trafic inter­lope. Certains soup­çon­nent même une stra­té­gie déli­bé­rée de dis­sé­mi­na­tion. Dragos Dima, ancien direc­teur adjoint de la filiale rou­maine de Monsanto, a démis­sionné en 1998 parce qu’il jugeait que ni son gou­ver­ne­ment ni son entre­prise « n’étaient prêts à contrô­ler la tech­no­lo­gie géné­ti­que », raconte-t-il. M. Dima lance : « Je ne suis au cou­rant d’aucune action légaie de la part de Monsanto visant à com­bat­tre le trafic de soja OGM illé­gal que mènent les pay­sans rou­mains. »
Depuis qu’elle a inter­dit les fari­nes ani­ma­les, l’Europe a besoin de soja pour nour­rir son bétail. Mais aux termes des accords inter­na­tio­naux de Blair House (Washington),négo­ciés en 1992, l’UE n’a le droit de pro­duire qu’un ton­nage très faible de cet oléa­gi­neux. Il lui faut donc l’impor­ter en masse. Or les deux prin­ci­paux expor­ta­teurs de soja au monde, les Etats-Unis et l’Argentine, ne font pra­ti­que­ment plus que du soja OGM. D’après la FNSEA, 80% des car­gai­sons qui arri­vent au Havre ou à Saint-Nazaire sont « mélan­gées » - com­pre­nez qu’elles contien­nent avant tout du soja géné­ti­que­ment modi­fié. Patrick Talion, porte-parole du minis­tère de l’agri­culture, reconnaît que la majo­rité des bêtes élevées en France man­gent d’ores et déjà des plan­tes géné­ti­que­ment modi­fiées ! Même si à peine trois dou­zai­nes de pro­duits des­ti­nés à la consom­ma­tion humaine sont à base d’OGM (et étiquetés comme tels), une filière trans­gé­ni­que s’est bel et bien mise en place en Europe, et puis­sam­ment, pour ali­men­ter la pro­duc­tion de viande, de lait et d’œufs. Au sein de l’UE, seule l’Espagne cultive plus de quel­ques dizai­nes de mil­liers d’hec­ta­res de maïs OGM. Les autres Etats-mem­bres sem­blent encore lar­ge­ment fermés. Sauf qu’il y a un hiatus entre le point de vue de la majo­rité des citoyens euro­péens et celui de leurs élites poli­ti­ques et admi­nis­tra­ti­ves, sou­vent plus conci­lian­tes.
En sep­tem­bre 2005, Le Figaro révé­lait que le gou­ver­ne­ment fran­çais n’avait pas jugé utile de rendre publi­que la mise en culture du pre­mier demi-mil­lier d’hec­ta­res de maïs BT dans le Sud-Ouest. En mai 2006, l’asso­cia­tion écologiste Les Amis de la Terre poin­tait plu­sieurs scien­ti­fi­ques mem­bres de l’Autorité euro­péenne de sûreté des ali­ments ayant eu des accoin­tan­ces avec les lob­bies pro-OGM. Maxime Schwartz, ex-direc­teur des labo­ra­toi­res de l’Agence fran­çaise de sécu­rité sani­taire des ali­ments (Afssa), s’avoue « sou­vent agacé par la vision étriquée des anti-OGM ».
Mais les pre­miers avo­cats de ces plan­tes sont des agri­culteurs. Leurs plus grands syn­di­cats notent que là où les OGM ne font guère débat (c’est-à-dire à peu près par­tout sauf en Europe), ceux-ci sem­blent doués d’un attrait concur­ren­tiel irré­sis­ti­ble. Leur culture est jugée plus simple : les varié­tés d’OGM Roundup Ready et BT (plus de 90 du marché) requiè­rent a priori moins de pes­ti­ci­des. Les pay­sans payent leurs semen­ces plus cher à cause des re4e­van­ces des bre­vets géné­ti­ques, mais beau­coup s’y retrou­vent en économisant sur les pro­duits phy­to­sa­ni­tai­res. Et puis, plan­ter des OGM, ça peut être bon pour la santé ! La FAO, l’orga­nisme onu­sien chargé de l’ali­men­ta­tion et de l’agri­culture, a pu cons­ta­ter une amé­lio­ra­tion « signi­fi­ca­tive » de la santé des pay­sans chi­nois qui plan­tent du coton BT, tou­jours grâce à la dimi­nu­tion des épandages d’insec­ti­ci­des. Les consom­ma­teurs euro­péens ont des exi­gen­ces autres que celles des pay­sans chi­nois. Monsanto et ses concur­rents gagnent par­tout des parts de marché. Mais quelle sorte de chan­delle leur j eu vaut-il ? D’après un rap­port de l’Afssa, l’inté­rêt pour le consom­ma­teur des OGM dis­po­ni­bles aujourd’hui est très ténu (voir Le Monde du 26 juillet 2004). Pourtant de nom­breux céréa­liers fran­çais affir­ment qu’on ne pourra pas tou­jours igno­rer les hori­zons ouverts par le génie géné­ti­que.
De la méde­cine aux bio­car­bu­rants, les pro­mes­ses sont nom­breu­ses. On consi­dère qu’à l’instar de l’infor­ma­ti­que, la géné­ti­que « double » ses connais­san­ces chaque année. Washington pro­nos­ti­que que, dans moins de quinze ans les bio­tech­no­lo­gies repré­sen­te­ront 20% du PIB amé­ri­cain. Des mil­liers de varié­tés aux pro­prié­tés mira­cu­leu­ses sont tes­tées. Aux Etats-Unis, ce sont des tabacs fabri­quant de l’hémo­glo­bine, des cotons dont les fibres per­met­tent de repé­rer les mines anti-per­son­nel. A Cuba, d’autres tabacs syn­thé­ti­sent un ingré­dient du vaccin contre 1’hépa­tite B. La Chine a annoncé en avril la nais­sance d’un veau clone trans­gé­ni­que résis­tant à la mala­die de la vache folle. A Clermont-Ferrand la société Meristem Therapeutics ne par­vient pas à faire auto­ri­ser ses recher­ches sur un maïs qui contient une molé­cule pré­cieuse contre la muco­vis­ci­dose. Côté ali­men­ta­tion, l’opi­nion pour­rait bas­cu­ler grâce au plé­bis­cite des ali­ca­ments [ ali­ments aux vertus médi­ci­na­les sup­po­sées], une fois que ceux-ci seront dis­po­ni­bles sous forme d’OGM. Monsanto teste des sojas plus riches en pro­téi­nes ou pro­dui­sant des oméga 3. D’autres firmes « déve­lop­pent des porcs modi­fiés afin que leur viande recèle ces pré­cieux acides gras essen­tiels. Mais pour l’ins­tant, et malgré les mil­liards inves­tis, l’étal des OGM n’a pas de quoi faire cha­vi­rer la ména­gère : il n’offre guère autre chose que des plan­tes résis­tan­tes à un her­bi­cide ou émettrices d’insec­ti­cide.
LE BLUFF DE LA BIO-INFORMATIQUE
Pour les scep­ti­ques, cela prouve que l’ADN ne se repro­gramme pas aussi aisé­ment qu’une puce d’ordi­na­teur : ils dénon­cent le « bluff de la soi-disant « bio-infor­ma­ti­que » ». A la fin des années 1980, l’agro-indus­trie pro­met­tait déjà des OGM capa­bles de faire fi du manque d’eau, des tem­pé­ra­tu­res extrê­mes ou des sols salés. Mais Monsanto reconnaît que ses cotons et sojas résis­tants à la séche­resse sont coin­cés au pre­mier stade de recher­che dans son « pipe­line d’inno­va­tions ». Les varié­tés dis­po­ni­bles aujourd’hui don­nent-elles de meilleurs ren­de­ments ? Permettent-elles aux pay­sans de gagner plus d’argent ? Poser ces ques­tions, c’est s’aven­tu­rer dans une jungle de rap­ports contra­dic­toi­res. Quand, à Washington, le dépar­te­ment de l’agri­culture « démon­tre » que les céréa­liers amé­ri­cains ont évidemment tiré avan­tage de l’expé­rience, une ana­lyse à Londres du 10 Downing Street insiste volon­tiers sur l’« incer­ti­tude » et la « varia­bi­lité » des coûts de pro­duc­tion. Il faut dire que la plu­part des Britanniques refu­sent d’enten­dre parler d’OGM. Inutile d’atten­dre des véri­tés impar­tia­les sur ce ter­rain-là.
Les com­pa­gnies d’assu­ran­ces euro­péen­nes n’accep­tent tou­jours pas de cou­vrir les ris­ques liés aux OGM. Munich leader de la réas­su­rance, pré­cise que ces ris­ques « sont nou­veaux et ne peu­vent être cor­rec­te­ment évalués ». Ils sont de deux ordres : effets nocifs pou­vant appa­raî­tre chez l’homme, effets indé­si­ra­bles sur l’envi­ron­ne­ment, « Aucun risque sani­taire n’a pu être prouvé à ce jour », indi­que le rap­port par­le­men­taire publié par l’Assemblée natio­nale en avril 2005.
Philippe Gay, repré­sen­tant du groupe suisse Syngenta Seeds (prin­ci­pal concur­rent de Monsanto), tem­père : « le risque à long terme ne fait tou­jours pas l’objet de métho­do­lo­gies appro­priées. »
Des mil­liards de repas à base d’OGM sont servis aux Etats-Unis sans qu’aucun Américain ne s’en soit jamais plaint. Mais des scien­ti­fi­ques esti­ment que cela ne permet pas d’exdure d’éventuels effets « diffus », comme des can­cers, indé­ce­la­bles avec seu­le­ment une décen­nie de recul. Les nou­vel­les varié­tés sont tes­tées sur des ani­maux pen­dant trois mois. Un délai ral­longé sous la pres­sion des écologistes. Le bio­lo­giste Gilles Eric Séralini, cher­cheur à l’uni­ver­sité de Caen et farou­che adver­saire de Monsanto, prê­tend démon­trer que si les tests de toxi­cité duraient plu­sieurs années (comme pour un médi­ca­ment par exem­ple), « la filière OGM ne serait plus ren­ta­ble ».
Monsanto dément mais pré­cise qu’un nou­veau trans­gène coûte tout de même entre 50 rnil­lions et 100 mil­lions de dol­lars. Les tests sani­tai­res sont finan­cés et mis en forme par les semen­ciers eux mêmes. Martin Hirsch ancien direc­teur de 1’Afssa, note que « rien n’oblige les firmes à trans­met­tre de mau­vais résul­tats ».
La Commission euro­péenne a une atti­tude ambi­guë. Elle répète aux citoyens qu’il n’y a pas danger. Mais les Amis de la Terre ont sorti en avril (2006) un docu­ment confi­den­tiel trou­blant : il s’agit des argu­ments de cette même Commission devant l’OMC (Organisation mon­diale du com­merce pour jus­ti­fier les entra­ves aux impor­ta­tions d’OGM amé­ri­cains. Là, le dis­cours, bien plus pes­si­miste, relève la per­sis­tance de « larges zones d’incer­ti­tude ». La lutte contre les conta­mi­na­tions des cultu­res conven­tion­nel­les n’est pas la moin­dre de ces incer­ti­tu­des. D’ailleurs, l’UE le reconnaît impli­ci­te­ment : le seuil de 0,9 toléré dans les champs par la nou­velle régle­men­ta­tion sur les « dis­sé­mi­na­tions for­tui­tes » prend en compte, selon le com­mis­saire David Byrne, l’« œuvre iné­vi­ta­bie de ia nature » - trans­port du pollen par le vent, erreurs de mani­pu­la­tion...« « for­tuit » ne signi­fie pas « rare » », pré­cise un spé­cia­liste du minis­tère de l’agri­culture qui sou­haite garder l’ano­ny­mat. « Si on ne veut pas de dis­sé­mi­na­tions du tout, il faut inter­dire la culture d’OGM en plein champ », insiste-t-il.
Une étude de l’Afssa, que le minis­tère de l’agri­culture refuse de rendre publi­que depuis juin 2005, révèle que « la plu­part » des sacs de semen­ces non-OGM d’impor­ta­tion conta­mi­nées, même de façon infime, recè­lent plu­sieurs varié­tés trans­gé­ni­ques dif­fé­ren­tes – jusqu’à quatre ! Après deux années pas­sées sans com­mu­ni­quer de bilan des contrô­les aux fron­tiè­res, le minis­tère concède que pas moins de la moitié des lots de semen­ces venant des Etats-Unis contien­nent des traces d’OGM. Et encore : malgré les pré­cau­tions prises par les pro­duc­teurs de semen­ces amé­ri­cains (pré­cau­tions qui leur coû­tent 500 mil­lions d’euros par an rien que pour le marché fran­çais), un lot sur quatre des­tiné à l’Europe doit être redi­rigé vers des mar­chés plus arran­geants pour cause de conta­mi­na­tion trop forte... Une situa­tion « inévitable compte tenu de l’ampleur des cultu­res trans­gé­ni­ques aux Etats-Unis », selon Grégoire Berthe, prin­ci­pal lob­byiste de la coo­pé­ra­tive fran­çaise Limagrain.
Même si les OGM pou­vaient être jugés indis­pen­sa­bles et sans ris­ques, cer­tai­nes métho­des pour les faire accep­ter n’en demeu­re­raient pas moins déran­gean­tes.
En avril 2004, alors que l’Irak n’a pas encore de Constitution, l’admi­nis­tra­teur amé­ri­cain Paul Bremer signe son ordre 81 : il impose à la plus vieille agri­culture du monde le res­pect de la légis­la­tion amé­ri­caine sur la pro­priété intel­lec­tuelle, inter­di­sant aux pay­sans ira­kiens de « réu­ti­li­ser les grai­nes des varié­tés pro­té­gées (...) ».
Sitôt l’ordre publié, l’US Aid, l’admi­nis­tra­tion amé­ri­caine char­gée de l’aide ali­men­taire livre des mil­liers de tonnes de grai­nes de « haute qua­lité » en pro­ve­nance des Etats Unis. Puis elle refuse de lais­ser des scien­ti­fi­ques indé­pen­dants véri­fier s’il s’agit de semen­ces trans­gé­ni­ques. Coïncidence : un mois après la signa­ture de l’ordre 81, Monsanto renonce à com­mer­cia­li­ser sa pre­mière variété de blé trans­gé­ni­que dans les pays riches à cause de l’hos­ti­lité des Européens et des Canadiens.

ÉCLUSER LES SURPLUS
L’US Aid dis­pose d’un pro­gramme spé­ci­fi­que, bap­tisé Cabio, dédié à la pro­mo­tion des bio­tech­no­lo­gies auprès des nations pau­vres. Au cours des quatre der­niè­res années, l’Equateur, l’Angola, le Soudan, la Zambie, le Zimbabwe ou encore le Mali ont refusé d’accep­ter sans condi­tion l’aide ali­men­taire amé­ri­caine repro­chant à Washington de se servir de leurs popu­la­tions pour écluser des sur­plus d’OGM. En juillet 2002, en pleine famine, le gou­ver­ne­ment zam­bien affir­mait avoir décliné l’offre d’un prêt de 50 mil­lions de dol­lars, dont la contre­par­tie était l’achat de nour­ri­ture et de semen­ces trans­gé­ni­ques.
Monsanto main­tient de très étroites rela­tions avec Washington depuis la guerre du Vietnam, quand l’entre­prise four­nis­sait à l’armée le fameux défo­liant « agent orange ». Nombreux sont les anciens cadres de la firme de Crève Cœur (Missouri) à tra­vailler aujourd’hui pour le dépar­te­ment de l’agri­culture. Linda Fisher, ancienne res­pon­sa­ble des rela­tions avec le gou­ver­ne­ment chez Monsanto a été nommée par le pré­si­dent George W. Bush vice-admi­nis­tra­trice de l’Agence de la pro­tec­tion de l’envi­ron­ne­ment.
Le pré­si­dent amé­ri­cain décla­rait en 2003 lors d’une confé­rence à Washington : « Au nom de l’Afrique mena­cée par !a famine, je demande aux gou­ver­ne­ments euro­péens de cesser leur oppo­si­tion aux bio­tech­no­lo­gies. » C’est un argu­ment récur­rent : les OGM pour­raient per­met­tre de régler le pro­blème de la mal­nu­tri­tion qui touche 800 mil­lions de Terriens. Un rap­port de la FAO lui oppose que les pau­vres pas­sent à côté des béné­fi­ces du génie géné­ti­que parce que cette tech­no­lo­gie se concen­tre sur des « espè­ces lucra­ti­ves d’expor­ta­tion ». Des taros et des pommes de terre OGM arri­vent sur le marché, mais, pour l’heure, soja, maïs, coton et colza repré­sen­tent plus de 99 des OGM culti­vés. Des plan­tes pres­que exclu­si­ve­ment des­ti­nées aux indus­tries agroa­li­men­taire et tex­tile des pays riches.
Selon une étude com­mune de la Banque mon­diale et de l’OMC, les bio­tech­no­lo­gies repré­sen­tent une solu­tion contre la misère des pay­sans du Sud. Mais l’expé­rience en Inde du coton BT auto­rise à mettre un gros bémol à ce plai­doyer (lire le repor­tage en bas). Le pro­blème cru­cial des OGM : laisse-t-on à ceux qui le sou­hai­tent la liberté de refu­ser d’en plan­ter ou d’en manger ? Toutes les meilleu­res varié­tés amé­ri­cai­nes de céréa­les sont désor­mais ven­dues dans leur ver­sion trans­gé­ni­que. La supré­ma­tie de Monsanto aux Etats-Unis fait qu’il est sou­vent dif­fi­cile de trou­ver ces grai­nes à haut ren­de­ment sous forme non-OGM chez les détaillants du Middie West. La loi amé­ri­caine consi­dère les plan­tes trans­gé­ni­ques comme des cultu­res nor­ma­les, inter­di­sant de fait leur tra­çage. En novem­bre 2005, un son­dage de la Fondation Pew Initiative on Food and Biotechnology a montré que seul un Américain sur quatre se dit favo­ra­ble à la nour­ri­ture trans­gé­ni­que. A peine plus qu’en France. On peut sup­po­ser que si outre-Atlantique les OGM étaient étiquetés. Ils ne s’y ven­draient pas très bien. Mais com­ment reve­nir en arrière ?

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