Une petite histoire de mythes industriels à Grenoble
On en dit parfois beaucoup en peu de mots. Ainsi, Pierrette Rigaud dans "Le mythe noir de la Houille blanche", quelques pages qui renversent les volumes d’histoire et d’économie publiés depuis des décennies sur le prétendu mythe grenoblois.
On connaît l’antienne. Grenoble, bourgade de montagne à l’écart des circuits commerciaux et dénuée de toute matière première - au rebours de Lyon ou Saint-Etienne par exemple - aurait connu un "miracle économique" grâce à deux ingrédients : la Houille blanche et la matière grise. C’est-à-dire l’électricité industrielle produite pour la première fois en 1867 par les turbines d’Aristide Bergès, à la Combe de Lancey ; et la succession de laboratoires, d’usines et d’activités qui en sont issus : électrochimie, électrométallurgie, électromagnétisme, nucléaire, micro-informatique, nanotechnologies, etc. - Mais - dit Pierrette Rigaud, il y avait une matière première, l’eau de la cuvette grenobloise, dont l’histoire et la mythologie sont ici retracées. Des âges géologiques à celui du silicium. Quant à la matière grise, on y verra surtout un bluff publicitaire et la capacité de travestir 150 ans de ravages industriels en "développement endogène innovant", suivant le jargon universitaire. En un mot, deux mythes à mort.
A Grenoble il n’y a pas de charbon, pas de pétrole, pas de métal précieux. Il y a mieux : à Grenoble, il y a de l’eau. Aux origines de la Cuvette, elle a façonné notre paysage. C’est par elle que l’hydroélectricité autre-fois, et aujourd’hui la microélectronique, ont colonisé ce territoire.L’eau est la matière première de l’industrialisation locale, mais elle est surtout à la source des deux mythes industriels locaux: la houille blanche et les nouvelles technologies. Voici l’histoire, en 3 épisodes, de la flotte et de son exploitation autour de la Cuvette grenobloise.
I. Aux origines de la Cuvette.
De la roche, de la glace et de l’eau : il y a 200 000 ans commence la dernière grande glaciation. Une longue période froide, pendant laquelle les Alpes se couvrent de glaciers gigantesques. Leurs langues s’étalent sur des centaines de kilomètres, jusque dans les grandes plaines alentour. Celui du Rhône s’avance jusqu’à l’emplacement où se tient de nos jours la ville de Lyon. Et à la place de Grenoble, un glacier d’un kilomètre de haut, descendant lentement la vallée, entraîne avec lui les roches arrachées à son passage.
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