Ce texte analyse les "Révolutions Arabes" et montre que l'assujettissement au joug de la valeur est tout aussi présent dans les sociétés arabes issues de la "2e modernisation de rattrapage" que partout ailleurs dans les sociétés capitalistes.
Ces révoltes ne sont pas dirigées vers un renversement de perspectives complet du monde de la domination capitaliste, elles réclament seulement: "Liberté, État de Droit et Démocratie"
Il s'agit de demander ici: l'État démocratique universel et l'égalité devant la loi. C'est le programme des révolutions bourgeoises pré-spectaculaires de citoyenneté, séparé de celui de sujet social "producteur/consommateur", soumis aux lois de la valeur.
L'État-Nation universel des Lumières en un moment historique ou il n'est plus qu'un Spectacle, une mise en scène.Les dictatures Arabes sont restées figées depuis plus de 30 années et devenus impropres à la mondialisation, leurs administrations pléthoriques sont inefficaces et trop couteuses. C'est le point de vue du "Marché" et de la gouvernance mondialisée qui cherche à s'en séparer sans trop de bobos pour intégrer davantage ces pays dans le commerce mondial. Tout le projet occidental est donc de réformer ces dictatures pour les rendre plus compétitives dans le grand marché mondialisé.
Le point de vue des peuples est bien différent. De l'égalité devant la loi a l'inégalité devant la valeur capitaliste, les classes sociales s'agitent et montrent les contradictions.
La Tunisie est le seul pays a avoir avancé quelque peu. D'abord c'est le pays le mieux intégré aux processus de production/distribution de l'Europe capitaliste, sa classe moyenne est plus nombreuse et mieux éduquée du point de vue occidental et plus ouverte sur le commerce international. Sa spécialisation dans la sous-traitance des marchés européens lui laisse une place singulière qui n'est pas comparable avec les étatisme désuets de Syrie, Algérie, Égypte, Libye... (cela manque au texte qui suit)
Si l'on considère que le "Printemps des peuples" de 1848 était déjà "en retard" sur son époque et qualifié ainsi par le courant révolutionnaire socialiste inspiré par Marx, on mesure les contradictions de l'actuel "Printemps Arabe".
Mais l'actuel mouvement est aussi une bonne surprise dans l'exacte mesure ou il disqualifie l'idéologie dominante (dite Mondialisation) sur l'Antiterrorisme (guerre au terrorisme) et la prétendue "menace islamiste".
Le monde Arabe n'apparait plus comme le vivier d'un fanatisme passéiste menaçant la société spectaculaire-marchande, son double barbare, mais comme un futur possible pour son développement. L'opinion publique en est surprise et très favorable à cette évolution , elle doit donc être au moins spectaculairement entendue par la gouvernance.
Du point de vue révolutionnaire toute avancée démocratique doit être soutenue ne serait-ce que pour rendre caduc l'infâme discours dominant de "Guerre au terrorisme islamique" justifiant les suite du 11 septembre.
D'autre part l'action de groupes révolutionnaires à partir du net a été très bien menée en Tunisie comme en Égypte. L'intelligence d'un mouvement large et populaire a été une première réussite remarquable.
D'autre part l'action de groupes révolutionnaires à partir du net a été très bien menée en Tunisie comme en Égypte. L'intelligence d'un mouvement large et populaire a été une première réussite remarquable.
La gouvernance mondialisée (OTAN, ONU, FMI) doit donc soutenir moralement ces révolutions contre la tyrannie nationale/panarabe post-coloniale tout en veillant a ses intérêts capitalistes, stratégiques et militaires. Des mots tendres à Tunis, des armes à Tripoli et des meurtres crapuleux au Caire...
Trois pratiques, un seul objectif.
Trois pratiques, un seul objectif.
Les interventions militaires (comme en Libye) imposent des images guerrières qui masquent les grandes manifestations pour la liberté, elles ont pour but d'abord de brouiller le message des Masses Arabes aux opinions publiques.
Crise de la modernité capitaliste et révolutions du « printemps arabe »
Ce n’est pas parce que de l’autre côté de la mer Méditerranée on réclame plus de démocratie et la possibilité de bien vivre, qu’en Occident la « démocratie ‘‘représentative’’ » (formidable contradiction dans les termes comme le relevait Castoriadis) arrête de dissimuler sa tromperie fondamentale ou le fait que le « bien-être » n’y est toujours qu’un « résidu temporaire du capital » [1]. Dans le devenir-monde des sociétés capitaliste-marchandes, « les contraintes systémiques imposées à l’autodétermination démocratique par la dynamique du capital » [2], ne permettent nulle part la réunion des conditions sociales de la démocratie. Ce n’est donc pas l’orgasme médiatique mondial autour de ce « printemps des peuples arabes » qui peut nous faire oublier que pas plus avant qu’après la chute du Mur de Berlin en 1989, les sociétés humaines ne sont auto-instituées et auto-conscientes, c’est-à-dire que pas plus hier qu’aujourd’hui, les individus ne contrôlent les sociétés et les rapports fétichistes qu’ils constituent. C’est donc déjà une banalité de base que de dire que depuis le 17 décembre 2010, le « printemps des peuples arabes » n’est bien souvent qu’un printemps où l’armée fait toujours la pluie et le beau temps. C’est que la révolution arabe ne risque pas beaucoup d’échapper au peuple, puisque le pouvoir n’a jamais vraiment échappé aux militaires… Partout une partie du pouvoir fait la révolution contre une partie du pouvoir qu’il avait déjà. La neutralité politique illusoire des militaires ne leur permet que de mieux incarner l’union sacrée révolutionnaire et le sentiment national que les hommes politiques et les partis. Sous le déguisement de la fable de « l’armée au service du peuple », les militaires dans un acte de générosité qu’on leur connaît bien sous toutes les latitudes et à toutes les époques, mettent donc gracieusement à disposition de la « révolution populaire », le pouvoir d’exercer la violence. Si le « système Ben Ali » ou le « système Moubarak » doivent être ainsi, dit-on, supprimés, c’est paradoxalement ceux qui sont au cœur militaire de l’institution de ces systèmes de pouvoir, qui se proposent désormais de devenir des « forces révolutionnaires ».
L’État de droits et ses « amis les dictateurs
Comme l’a rappelé Michèle Alliot-Marie en proposant au pouvoir policier tunisien l’aide du pouvoir policier français, tout pouvoir même « démocratique » exerce une identique violence (dite « légitime »), car n’importe quel flic peut vous écraser le visage contre une arête de trottoir dans le cadre de la loi comme dans celui de sa libre suspension au regard de la situation (« état d’urgence », « union sacrée », « patrie en danger », lutte contre le « terrorisme », « intérêts économiques et stratégiques supérieurs », etc.). Il n’y a là nul « dérapage » d’une ministre comme le croient les derniers dinosaures de la gauche alternative comme institutionnelle, mais le simple constat froid et ordinaire d’un même traitement policier de ce qui échappe au contrôle de tout pouvoir, le même constat banal et réaliste de ce qu’est le noyau dur de tout Etat quel que soit sa forme historique et sa localisation [3]. L’exercice de la violence dans les « démocraties libérales » n’est pas plus légitime quand elle est celle du pouvoir colonial inique de la IIIe et IVe République française, des rafles de la police française sous Vichy, de la pratique par son armée de la torture en Algérie, ou dans les prisons volantes de la CIA, comme à Guantanamo et Abou Graib, des brimades quotidiennes des gardes à vue et des contrôles d’identité se transformant en palpations anales, de l’espace de non-droit que constituent les prisons et les centres de rétention, etc. On ne sait trop ce que sont les « libertés individuelles » occidentales quand on met en place le « Patriot Act » aux Etats-Unis ou les lois anti-terroristes et la Loppsi 2 en France [4]. Des deux côtés de la Méditerranée, ce ne sera jamais « l’Etat de droit » qui subitement vous poussera à aimer les flics, les CRS, les caméras de surveillance, le passeport biométrique et les militaires. Si ces forces militaires arabes acceptent de mettre fin à ces régimes policiers au service d’un homme et de ses clientèles, c’est très bien ainsi. Mais une révolte même massive au nom de l’intérêt commun ne fait pas une révolution au-delà des conditions fétichistes des sociétés étatiques et capitalistes présentes. La police religieuse d’Arabie Saoudite, l’appareil répressif iranien, les 470 000 conscrits et les 300 000 paramilitaires égyptiens, etc., font toujours régner la terreur dans le cadre des conditions sociales capitalistes déjà coercitives et totalitaires de ces pays arabes. Au mieux, pour l’instant, nous avons des révolutions de palais assez limitée, puisque en Égypte comme ailleurs, l’armée a toujours été associée non seulement au pouvoir mais à la gestion de l’économie et à ses bénéfices.
Au-delà de la critique du détournement de la richesse capitaliste
Au-delà de la critique du détournement de la richesse capitaliste
Comme chacun le sait, la revendication politique pour plus de libertés et de « démocratie ‘‘représentative’’ », portée par la classe moyenne bourgeoise (celle de l’internet et des réseaux sociaux virtuels) et la classe plus populaire, n’est pas la seule raison explicative de cette vague de protestations populaires. De fortes revendications d’équité sociale et économique marquent aussi ces mouvements dans ces deux classes sociales, quand par exemple la jeunesse diplômée et au chômage participe aux émeutes ou quand un pauvre Tunisien désespéré socialement et économiquement, s’immole par le feu dans une zone rurale. Entre juin et décembre 2010, 44 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté en raison de la hausse des prix alimentaires, ce qui porte à 1,2 milliard de personnes vivant dans cette situation[5]. Rappelons aussi que depuis la nouvelle crise de la société capitaliste en 2007, ce sont trente millions de personnes supplémentaires qui ont été évacués par la logique délirante de la valorisation, les considérant comme non-rentables à exploiter (car être exploité est désormais un privilège), portant ainsi le nombre de chômeurs au niveau mondial à 210 millions [6]. Cette forme de pauvreté doit être considérée comme historiquement spécifique à la société capitaliste, donc de nature purement sociale car le but de la production de marchandises ne sera jamais de subvenir à des besoins mais restera toujours la maximalisation abstraite de l’argent. Ces révoltes ne sont pas seulement des révoltes politiques comme la superficialité de la presse bourgeoise tend à vouloir le croire. Ce sont aussi des révoltes au sein du processus de décomposition du capitalisme, donc des révoltes de la faim, car aucune marchandise dans une telle société corsetée par les médiations sociales capitalistes qui constituent une véritable forme de vie sociale inédite au sein de laquelle chacun de nous survivons, ne s’obtient quand on ne peut plus se rapporter aux autres au travers du moyen structurel et socialement médiatisant que constitue le travail (et donc l’argent) - noyau social inédit de la société capitaliste-marchande. Ce contexte de révolte des « non-rentables », explique ce « printemps des peuples arabes », où comme en 1848 la nouvelle de la chute de Louis-Philippe faisait tomber Metternich, celle de Ben Ali en 2011 ébranle Moubarak.
Clément 17/02/11
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"Les révolutions cassent le modèle économique dominant actuellement : libéralisation économique faciale, avec déclin du rôle de l'Etat, mais fermeture sociale et politique, sans liberté d'expression et sans redevabilité des gouvernants. Les pays arabes ont ainsi connu le pire des modèles économiques, qualifié de "crony capitalism", le capitalisme des copains", explique Samir Aita, président du Cercle des économistes arabes et rédacteur en chef de l'édition arabe du Monde diplomatique. Les peuples arabes demandent d'accéder à un modèle économique équitable et viable, porteur de perspectives.
"Les révolutions cassent le modèle économique dominant actuellement : libéralisation économique faciale, avec déclin du rôle de l'Etat, mais fermeture sociale et politique, sans liberté d'expression et sans redevabilité des gouvernants. Les pays arabes ont ainsi connu le pire des modèles économiques, qualifié de "crony capitalism", le capitalisme des copains", explique Samir Aita, président du Cercle des économistes arabes et rédacteur en chef de l'édition arabe du Monde diplomatique. Les peuples arabes demandent d'accéder à un modèle économique équitable et viable, porteur de perspectives.
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