mardi 1 mars 2011

Salle de consommation pour usagers de crack



L’utilité des salles d’injection n’est plus à prouver, notamment grâce au rapport de l’Inserm, les salles d’inhalation pour usagers de crack posent encore question en France.  A Rotterdam dans le centre « BoumanGGZ » , qui possède une salle de consommation à moindre risque pour usagers de crack.
De la gare ferroviaire de Rotterdam, 15 mn de marche sont nécessaire pour arriver devant le centre « BoumanGGZ ». Il est situé dans un quartier résidentiel calme aux maisons hollandaises classiques. Rien ne le distingue des autres bâtiments.
Léo Thomassen , le directeur, accueille avec un café en dressant un panorama de sa structure.
Elle est ouverte de 10h à 18h, 7 jours sur 7, avec 5 salariés travaillant en même temps. Elle coute 500 000 euros par an. C’est la ville de Rotterdam qui la finance et veille à son acceptabilité sociale, ce qui la force à s’adapter sans cesse au contexte et à trouver de nouveaux points d’équilibre avec la cité.
Chacun des 310 usagers de la file active est enregistrée par son nom et prénom et a une carte d’accès à la salle correspondant à sa domiciliation, une façon de les intégrer dans le quartier, mais aussi de les responsabiliser. 250 usagers de crack ont accès à la salle d’inhalation et moins de 5 usagers injecteurs d’héroïne fréquentent la salle d’injection.
Pour être reçu ici, il faut au moins 5 ans de vie à Rotterdam et avoir plus de 23 ans. Ceux qui sont en dessous de cet âge sont réorientés vers une structure spécialisée. Selon Léo Thomassen, c’est une manière de séparer ceux qui sont déjà très ancrés dans la consommation, de ceux qui sont dans l’expérimentation. Pour les deux catégories d’usagers, le chemin doit être différent et ils doivent se rencontrer le moins possible. De même, il y a une salle de nuit pour inciter les usagers à bouger et eviter qu’il ne passe pas leur vie dans la structure.
La structure emploie 18 salariés à plein temps, principalement des intervenants issus du « mainstream ». Léo Thomassen ne veut pas de « bureaucrates » assis derrière un bureau, mais des intervenants qui puissent avoir une relation d’égal à égal avec les usagers. Un médecin est présent 3 heures par semaine le vendredi.
La ville a également ouvert de nombreuse places d’hébergement connus sous le nom d’« housing fisrt », ainsi que des programmes sociaux. Pour cette ville de 800 000 habitants, il existe 52 programmes en direction des addictions et de la précarité sociale. L’effet est spectaculaire. Alors qu’il y a 15 ans la ville était envahie par plus de 2 500 usagers de drogues venant de toute l’Europe, il y a aujourd’hui très peu d’usagers qui consomment dans la rue. En conséquence, le nombre de salle de consommation a beaucoup diminué. Il reste aujourd’hui 4 centres sur les 8 du départ et les autorités pensent en fermer deux autres en 2011. Les usagers se sont petit à petit stabilisés et sont sortis en partie de la grande précarité.  

Le chef de police 

Le chef de la Police locale, Jan Von Dorst, invité pour l’occasion, nous rejoint. Il sert les mains des usagers qu’il connait tous personnellement,, qui n’ont absolument pas peur et ne sont pas surpris. Un usager de la salle nous interpelle même en riant « It’s the best police !». Nous sommes un peu ébahis devant la sincérité et la simplicité des rapports entre les usagers et ce policier. Les usagers de drogues français de notre délégation qui n’ont pas l’habitude d’un tel traitement se tiennent un peu en retrait dans un premier temps, puis viennent se faire photographier avec le policier..

Le premier message qu’il nous adresse, c’est qu’il faut mettre des limites aux nombres d’usagers accueillis et qu’il faut concevoir la structure en fonction du nombre attendus. Point très important pour que le voisinage ait une réaction positive. Ensuite, il nous fait un vrai cours de réduction des risques sur le crack. Par exemple, selon lui, fumer avec une pipe augmente le craving. Il vaut mieux fumer en utilisant une feuille d’aluminium. 
Il ajoute que la police et le centre ont un intérêt commun : la police veut des rues « clean » et de la sécurité pour les usagers, le centre veut une meilleure vie et la sécurité pour les usagers. Selon lui, la répression ne peut pas résoudre le problème de l’usage de drogue dans la rue. Elle est responsable de l’effet « lit à eau » : quand on chasse les usagers d’un endroit, ils vont ailleurs. Ce qu’il faut faire, c’est réguler.
Le policier ne peut venir dans la structure que s’il y est invité. Pour lui, tant que l’endroit est sous contrôle, il n’a pas à intervenir à l’intérieur.

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