lundi 7 mars 2011

Les destinées du marxisme

Texte indispensable pour bien comprendre quelle direction prend la pensée déployée par Robert Kurz. Ceci en dépit d'une analyse de 68 incomplète et presque indigne d'un Kurz, mais il aime renforcer ses effets même en simplifiant jusqu'à la caricature. 68 est justement le moment du passage  encore confus de l'EXO a l'ESO. Le Marx "ésotérique"  s'oppose au marxisme idéologique "exotérique" devenu un boulet. Une pensée morte mais encore utilisée comme base de toute la "gauche" critique et libertaire. D'intuition en intuitions (68 en est un moment) on passe désormais à la connaissance pleine et entière  du "sujet automate" seul maitre de la Valeur capitaliste.
Lire Marx au XXIe siècle
Ceux que l’on dit morts, vivent plus longtemps. Le Karl Marx théoricien critique et influent a été tenu pour mort plus d’une fois, et chaque fois il a échappé à la mort historique et théorique. Il y a une simple raison à cela : la théorie marxienne ne pourra reposer en paix qu’avec son objet, le mode de production capitaliste. Ce système social est « objectivement » cynique, il est tellement impudent dans les comportements qu’il exige des être humains, il produit en même temps qu’une richesse obscène et écœurante une telle masse de pauvreté et il est marqué dans sa dynamique aveugle d’un tel potentiel de catastrophes que son existence, forcément, ne cesse de faire naître les motifs et les idées d’une critique radicale. Et l’essentiel de cette critique est justement la théorie critique de ce Karl Marx qui, il y a presque 150 ans, a superbement analysé dans ses grands traits la logique destructrice du processus d’accumulation capitaliste.
Mais comme pour toute pensée théorique qui dépasse la date limite d’un certain esprit du siècle, l’œuvre de Marx doit également être soumise à de nouvelles analyses qui permettent de découvrir de nouveaux aspects et réfutent d’anciennes interprétations – non seulement des interprétations, mais également certains éléments de cette théorie liés à une époque. Tout théoricien a pensé plus de choses qu’il ne savait lui-même et une théorie sans contradictions ne pourrait sérieusement être appelée une théorie. Ainsi, non seulement certains livres, mais aussi de grandes théories ont leur destin. On voit toujours se développer, entre une théorie et ses critiques, ses disciples comme ses adversaires, un rapport de tension dans lequel la contradiction interne de la théorie trouve toute sa dimension, faisant ainsi progresser la connaissance.
 
Marx et l’adieu postmoderne à la « grande théorie »
Au lieu de se re-confronter au problème du caractère historique du processus de la théorie de la société à la fin du XXe siècle, la soi-disant pensée postmoderne voudrait simplement immobiliser la dialectique de la formation théorique, de la réception et de la critique. La théorie de Marx précisément n’est plus vérifiée à l’aide de ses contenus, ni analysée dans ses conditions historiques et par là-même développée, mais elle est repoussée a priori en tant que prétendue « grande théorie ». Cette fausse modestie qui ne regarde plus l’ensemble des formes capitalistes de la socialisation en tant que tel, mais qui se contente de le refouler, s’abaisse sous le niveau de la réflexion de la théorie sociale. La politique de l’autruche d’une pensée si consciemment réduite et désarmée ne voit pas qu’on ne peut séparer de leur objet social réel la problématique de ce que l’on appelle grandes théories et grandes notions. La prétention de vouloir saisir l’ensemble est véritablement provoqué par la réalité sociale. L’ensemble négatif du capitalisme ne cesse pas d’opérer dans son existence réelle, sous prétexte qu’il est ignoré en tant que notion et que nous n’avons plus à regarder : « la totalité ne vous oublie pas », ironisait à juste titre le théoricien anglais de la littérature Terry Eagleton.e postmoderne voudrait simplement immobiliser la dialectique de la formation théorique, de la réception et de la critique. La théorie de Marx précisément n’est plus vérifiée à l’aide de ses contenus, ni analysée dans ses conditions historiques et par là-même développée, mais elle est repoussée a priori en tant que prétendue « grande théorie ». Cette fausse modestie qui ne regarde plus l’ensemble des formes capitalistes de la socialisation en tant que tel, mais qui se contente de le refouler, s’abaisse sous le niveau de la réflexion de la théorie sociale. La politique de l’autruche d’une pensée si consciemment réduite et désarmée ne voit pas qu’on ne peut séparer de leur objet social réel la problématique de ce que l’on appelle grandes théories et grandes notions. La prétention de vouloir saisir l’ensemble est véritablement provoqué par la réalité sociale. L’ensemble négatif du capitalisme ne cesse pas d’opérer dans son existence réelle, sous prétexte qu’il est ignoré en tant que notion et que nous n’avons plus à regarder : « la totalité ne vous oublie pas », ironisait à juste titre le théoricien anglais de la littérature Terry Eagleton.
 
La critique postmoderne de la grande théorie, accueillie avec reconnaissance par de nombreux anciens marxistes en tant que forme de raisonnement prétendument à décharge, ne renvoie pas tant à une pensée affirmative et apologétique au sens traditionnel, qu’au désespoir d’une critique de la société qui, bouleversée, recule devant une tâche qui dépasse son entendement actuel. Il s’agit d’une manœuvre d’évitement qui ne peut qu’avoir un caractère provisoire ; la pensée critique est implacablement ramenée à l’obstacle qu’elle doit surmonter. Et, apparemment, cet obstacle est surtout difficile à franchir parce que la pensée marxiste connue jusqu’ici doit, là aussi, sauter par-dessus son ombre. Cette métaphore quelque peu étrange pourrait être remplacée par une autre ; le marxisme conserve un cadavre dont il doit se débarrasser. En d’autres termes : la contradiction entre la théorie marxiste et sa réception par l’ancien mouvement ouvrier, de même que les contradictions au sein de la théorie marxiste même, à la fin du XXe siècle, ont mûri au point que cette théorie ne puisse plus être réactivée et réactualisée, comme cela se faisait jusqu’à présent.
Après le siècle du mouvement ouvrier
Quand Marx prématurément prétendu mort par le passé n’a cessé de réapparaître bien vivant, chacune de ces résurrections s’est produite à l’intérieur d’une époque que l’on pourrait nommer le « siècle du mouvement ouvrier ». Il semble évident aujourd’hui que cette histoire soit terminée. Ses motifs, ses réflexions théoriques et modèles d’action sociale sont d’une certaine façon devenus irréels. Ils ont perdu leur force d’attraction, n’ont plus de vie et se présentent à nous comme sous verre. Ce marxisme n’est plus qu’un ennuyeux objet de musée. Mais cela n’explique pas pourquoi il en est arrivé là. Ce détournement précipité de ses anciens disciples a en soi quelque chose de mensonger et le triomphalisme prématuré de ses anciens adversaires quelque chose de niais. Car les problèmes qui ont mûris dans cette histoire ne se sont pas volatilisés pour le plaisir de tous avec la fin incomprise d’une époque sur laquelle on a insuffisamment réfléchi, mai au contraire ils ont dramatiquement empiré d’une manière nouvelle qui n’a pas encore été identifiée. Cette époque passée semblerait presque n’être que le stade de la chrysalide ou la période d’incubation d’une grande crise sociale mondiale qualitativement nouvelle dont on peut maîtriser la nature, au plan théorique, qu’avec des notions de même grandeur et, au plan pratique, par un bouleversement social fondamental. Sévissant en tous lieux et mélangeant toutes les pièces de décors possibles, la religion d’un « pragmatisme » démocratique, fondé sur l’économie de marché ressemble, face à la situation réelle, à la tentative de combattre le sida avec de l’eau de mélisse des Carmes ou de réagir à l’explosion d’un réacteur atomique à l’aide de l’autopompe de pompiers bénévoles.
 

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