Le Caire, 6 mars 2011. Depuis quelques jours, des images-choc circulent sur la toile, mais elles se font curieusement oublier par d'autres actualités plus étourdissantes encore: la forteresse de la "Sécurité d'État", la STASI égyptienne, est tombée hier soir aux mains d'un millier de manifestants. Nous venons, hier soir, de pénétrer en son sein pour y trouver des montagnes de documents broyés, et des centaines de mètres de rayonnages sur lesquels reposaient les fiches soigneusement rédigées sur des millions de citoyens.
L'armée, qui gardait les lieux comme elle garde tous les bâtiments administratifs, était pour le moins complaisante et s'est gentiment tenue à l'écart tandis que nous nous précipitions à l'intérieur, le sang glacé par ce temple du mal.
A l'arrivée du procureur général, et après avoir rempli nos yeux et nos appareils photos des mille scandales susceptibles de disparaître, nous avons laissé la justice prendre le relais.La nouvelle est fracassante. La chute de la Sécurité d'État est plus importante encore que celle de Moubarak qui, et c'est un manifestant qui l'a hurlé en ouvrant un dossier par hasard, était fiché lui aussi. Il est cependant essentiel de revenir sur ces images sordides qui confirment que l'armée égyptienne a bel et bien deux visages.
L'armée, qui gardait les lieux comme elle garde tous les bâtiments administratifs, était pour le moins complaisante et s'est gentiment tenue à l'écart tandis que nous nous précipitions à l'intérieur, le sang glacé par ce temple du mal.
A l'arrivée du procureur général, et après avoir rempli nos yeux et nos appareils photos des mille scandales susceptibles de disparaître, nous avons laissé la justice prendre le relais.La nouvelle est fracassante. La chute de la Sécurité d'État est plus importante encore que celle de Moubarak qui, et c'est un manifestant qui l'a hurlé en ouvrant un dossier par hasard, était fiché lui aussi. Il est cependant essentiel de revenir sur ces images sordides qui confirment que l'armée égyptienne a bel et bien deux visages.
Ces images ont été montées sur une chanson que j'ai écrite et enregistrée. Elle sera diffusée demain dans la blogosphère égyptienne.
Traduction française des paroles
De qui se moque l'armée égyptienne?
Des Égyptiens, bien sûr.
Des martyrs, nous en avons assez.
Laissez-nous donc vivre en paix.
"L'armée et le peuple, une seule main"
"L'armée et le peuple…" c'est ça, ouais.
Dis moi Salma, l'armée défend qui?
Ses confrères hommes d'affaires… ah! j'oubliais!
Casse-toi Maréchal Tantawi!
Et sauve-nous Major Shoman! (*)
C'est que le Maréchal, vois-tu, torture nos amis.
"L'armée et le peuple, une seule main"
"L'armée et le peuple"… c'est ça, ouais.
L'armée-Vodafone (**), on n'en veut plus
Trouvez-nous des gens dignes de nous
Ceux qui nous attaquent au Taser
Nous leur tiendrons tête jusqu'au bout
Jeunes officiers il est temps de faire un "coup"
Fiers officiers, braves soldats, la justice n'attend pas
"L'armée et le peuple, une seule main"
"L'armée et le peuple, une seule main"
"L'armée et le peuple, une seule main"
Ah ben voilà, c'est mieux comme ça…
"L'armée et le peuple, une seule main"
"L'armée et le peuple, une seule main"
Paroles, musique et chant: Aalam Wassef. Chanson libre de droits.
Notes
(*) Le Major Shoman s'est rendu célèbre en déposant les armes, avant la démission de Moubarak, et en rejoignant les manifestants.
(**) Le Conseil Suprême de Armées, comme le Ministère de l'Intérieur déchu avant lui, se sert librement dans les bases de données des opérateurs Vodafone et Mobinil pour envoyer des SMS à la population. Recommandations, mise en garde, menaces. Les opérateurs aux engagements et aux obligations multiples sur la protection de la vie privée, curieusement, collaborent.
(Du Caire): Mira a 22 ans. Il est essoufflé quand il arrive à 20 heures dans une université du centre du Caire, samedi. Il revient juste de Nasr City, quartier nord de la capitale, où il a participé à un moment incroyable de l'histoire de son pays : l'entrée par effraction dans les locaux les plus honnis par le peuple égyptien, les plus symboliques de la terreur du régime passé.
Le bâtiment d'Aman el doura (sécurité d'Etat), où des milliers d'Egyptiens ont disparu sans jamais refaire surface, où la torture était devenue une pratique routinière depuis des années, a finalement été pénétré par des citoyens venus faire la lumière sur ces années de plomb.
« Des montagnes de papier déchiquetés, du sol au plafond »
Alerté par un ami du parti Liberté et Justice, affilié aux Frères musulmans, Mira s'est joint au groupe d'activistes et d'étudiants réunis par ces circonstances exceptionnelles. Il raconte avec délectation, encore étonné : « J'ai entendu dire par un ami qu'on pouvait rentrer à l'intérieur, alors je m'y suis précipité. On a pu rentrer par derrière. L'armée était là, mais elle n'avait pas encore reçu d'ordre, donc elle est restée inactive. Il y avait des gens de tous les partis, de toutes les organisations. Des barbus, des socialistes.
Les gens criaient : “La seule chose que vous pouvez casser, ce sont les portes ! Tout doit rester intact.” Il y avait vraiment la volonté de préserver ces archives. J'étais sidéré de découvrir des montagnes de papier déchiquetés, du sol au plafond, dans toutes les pièces. Ils n'ont même pas eu le temps de nettoyer les lieux »
Esra Abdel Fattah, célèbre activiste qui a participé à la création du mouvement du 6 avril et qui aujourd'hui travaille pour l'ONG Egyptian Democratic Academy, raconte qu'elle a pu récupérer son dossier personnel :
« J'ai été impressionnée, ils avaient imprimé tous mes e-mails personnels et textos, listé tous mes appels. Je le garde précieusement, j'ai bien l'intention de l'utiliser pour faire passer quelques personnes devant un tribunal prochainement. »
A ce jour, aucune ONG n'a initié de regroupement de toutes ces archives. Mais l'organisation WikiLeaks a offert de donner une nouvelle vie aux montagnes de papier passées au broyeur. Elle a déclaré qu'elle avait les moyens techniques de le faire.
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