jeudi 20 janvier 2011

Ubu et l'Anti-Terrorisme

Devant la 10e chambre : L'intérêt du procès réside surtout dans la façon dont l'antiterrorisme a été impliqué dans cette affaire totalement  dérisoire. L'incendie fût tellement mineur que les propriétaires du véhicule n'ont pas porté plainte : « Seule un peu de suie a été constatée », explique le procureur, précisant que les dégâts ont été évités grâce à la rapidité d'intervention de la police. 

Maître B. n'en mène pas large devant la 10e chambre correctionnelle de Paris ce mardi. Cette fois-ci, l'avocate pénaliste n'est pas au tribunal pour plaider. Avec son ami Kevin, ils sont accusés d'avoir essayé d'incendier une voiture devant l'ancien commissariat de quartier de la rue Pradier (Paris, XIXe arrondissement). « Une tentative de dégradation à l'aide de substances explosives », précise le procureur lors de l'audience, réclamant une condamnation de six mois de prison avec sursis. L'avocate et son ami sont finalement condamnés à cinq mois avec sursis. Une décision qui met fin à deux ans de procédure dirigée par la section antiterroriste de la brigade criminelle.

« Nous avons eu l'idée stupide de mettre le feu au véhicule » Le 13 janvier 2009, l'avocate est interpellée rue Pradier avec un ami, alors que celui-ci essaye d'allumer un feu sous la roue d'une voiture, à l'aide de simples bouts de papiers. L'enquête est immédiatement confiée à la section antiterroriste. Direction le 36, quai des Orfèvres. Bien qu'avocate de profession, la jeune femme semble perdre tous ses moyens au cours de l'audience. Elle se contredit plusieurs fois. Peine à s'exprimer clairement, tandis que les magistrats l'assaillent de questions. La confusion qui s'installe ne peut laisser de doute aux juges quant à sa culpabilité.  « Nous avions bu, et en passant devant le commissariat pour rentrer chez nous, nous avons eu l'idée stupide de mettre le feu au véhicule », avait-elle déclaré à la police lors de ses premiers interrogatoires. Des aveux sur lesquels elle revient devant les magistrats. « Il faut comprendre le contexte. J'étais en fin de garde à vue. Cela faisait deux jours. On me considérait comme une terroriste », se justifie-t-elle. Lors de ses aveux, elle pensait « que l'affaire allait être classée et que le PV allait disparaître ». Ses explications laissent les juges perplexes. « Qu'est-ce que c'est que ces PV qui disparaissent ? » lui rétorque le président. « Je ne comprends pas ce que vous expliquez au tribunal », insiste-t-il, lui rappelant les connaissances qu'elle est censée posséder en matière pénale. « Ou alors vous faites une allergie à l'antiterrorisme ? » ironise-t-il.

« Seule un peu de suie a été constatée », explique le procureur, précisant que les dégâts ont été évités grâce à la rapidité d'intervention de la police. Le contexte est en effet étroitement lié à l'angoisse politique et policière autour de l'affaire de Tarnac. Les faits ont lieu peu de temps après, le 13 janvier 2009. Les deux amis ont alors le tort d'être militants, proches des libertaires. Et d'avoir notamment manifesté en soutien aux inculpés de Tarnac.   La police ne tarde pas à qualifier les deux jeunes gens comme « gravitant dans la mouvance d'ultragauche ». La machine s'emballe. Le Figaro sous-titre : « Une avocate et son ami seraient soupçonnés d'être en lien avec l'ultragauche. » Les auditions ont alors lieu dans le cadre d'une enquête de flagrant délit pour « dégradation par incendie en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ». Finalement jugés devant un tribunal de droit commun, le procès reste marqué par leur engagement politique. Le magistrat souligne les vingt scellés saisis lors de la perquisition du domicile de l'avocate : « Mémoire de DEA sur l'antiterrorisme, affiches liées aux manifestations en Grèce, coupures de presse sur l'affaire Coupat, des feux d'artifice et des pétards. » « Ce n'est pas illégal », réplique-t-elle. 

 

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