vendredi 21 janvier 2011

Henri LEFEBVRE lui-même et Guy Debord

"L'œuvre de l'homme, c'est lui-même", aimait à provoquer H. Lefebvre, philosophe français, né dans les Pyrénées en 1901, qui va se trouver mêlé à tous les grands débats philosophiques du “ monde moderne ”.
H. Lefebvre se lie  à Tristan Tzara, suite à un article qu’il a écrit sur Dada en 1924. H. Lefebvre rencontre également Max Jacob avec qui il se brouille quand il décide d’adhérer au Parti communiste. Car à cette époque, H. Lefebvre découvre F. Hegel, puis K. Marx. Il faut dire que, dans les années 1920, l’Université ne s’intéressait pas encore à ces auteurs. Si André Breton fait découvrir la Logique de Hegel à H. Lefebvre, Léon Brunschvicg lui déconseille de faire une thèse de philosophie sur ce penseur ! 
L’évolution de H. Lefebvre ne s’arrêtera pas là puisque, dans le prolongement de sa lecture de Hegel, il découvre Marx. H. Lefebvre va être marqué par cette rencontre théorique. En effet, ce n’est pas par la pratique de la lutte politique qu’il est amené à lire K. Marx, mais par la théorie.
C’est en philosophe : H. Lefebvre adopte le marxisme sur le plan doctrinal au nom d’une thèse qui a ensuite été annihilée par Staline et le stalinisme, la théorie du dépérissement de l’État. Dès sa première lecture de K. Marx, de F. Engels et de Lénine, H. Lefebvre découvre une critique radicale de l’État : une coupure politique (et non philosophique ou épistémologique) apparaît à H. Lefebvre entre K. Marx et ses prédécesseurs. Pour H. Lefebvre, entre K. Marx et Bakounine, il n’y a pas de désaccord fondamental. Il n’y a que quelques malentendus au sujet de la fameuse période de transition.
Les premières difficultés apparaissent à l’occasion de la Revue marxiste qui sera supprimée en 1928-1929. Le groupe des philosophes avait déjà publié deux revues, Philosophies et L’esprit. L’adhésion au Parti le conduisit à créer la Revue marxiste qui se voulait une nouvelle étape dans la démarche du groupe. P. Morhange, N. Guterman, G. Friedmann, G. Politzer puis P. Nizan participèrent à cette initiative. En fait, cette revue se voulait très ouverte. La plupart des collaborateurs refusaient l’économisme qui traversait déjà la pensée marxiste. Cette revue fonctionna comme un analyseur du fait qu’à cette époque déjà une telle initiative qui partait d’un autre lieu que la direction du mouvement communiste était intolérable.
La société moderne tout entière s’est construite sur la méconnaissance de ce qui la fonde, c’est-à-dire le mécanisme de la valeur fétichisée (la plus-value était elle-même peu connue). La classe ouvrière ne connaît pas le mécanisme de sa propre exploitation. Elle le vit sur le mode de la méconnaissance, de l’humiliation. Rien de plus difficile que de faire entrer cette connaissance dans la classe ouvrière elle-même. C’est ce qui permet au fascisme d’imposer des représentations inverses de la réalité. Le fascisme peut se faire passer pour socialisme puisque l’inversion des rapports est possible. Ils n’impliquent pas en eux-mêmes, dans la pratique, leur propre connaissance mais au contraire leur propre méconnaissance. 
La conscience mystifiée, écrite entre 1933 et 1935 (en partie à New York), fut un livre maudit. Rejeté par les communistes, il fut proscrit et détruit quelques années plus tard par les Nazis. H.Lefebvre est  resté au Parti durant la guerre. Cela l’a conduit à être suspendu de ses fonctions d’enseignant par Vichy et à être recherché. Il se cache dans les Pyrénées, cependant cette confrontation avec les  nazis  va stimuler sa grande productivité de l’époque. Sa critique de la vie quotidienne, amorcée dès la fin de la guerre, est reprise, reformulée. Une nouvelle version de L’introduction à la critique de la vie quotidienne est rééditée en 1958.
C’est ainsi que prend forme l’activité oppositionnelle de H.Lefebvre qui se renforcera à partir de 1953, date de la mort de Staline. Après La somme et le reste, livre essentiel (780 pages), écrit entre juin et octobre 1958 (donc dans un contexte politique très particulier en France, le retour de de Gaulle), dans lequel il fait le bilan de sa vie philosophique et de son aventure dans le Parti  il va se lancer dans la rédaction d’ouvrages très importants.
Il a participé à la définition de la base théorique de ce qui va devenir le cœur théorico-critique de l’Internationale situationniste de Guy Debord, avec lequel il s’est lié d’amitié quelques années. Mais cette amitié ne dure pas, il y a rupture violente. Cependant, cette confrontation avec les situationnistes va stimuler sa grande productivité de l’époque. Sa critique de la vie quotidienne, amorcée dès la fin de la guerre, est reprise, reformulée. Une nouvelle version de L’introduction à la critique de la vie quotidienne est rééditée en 1958. Le volume 2, sur Les fondements d’une sociologie de la quotidienneté, paraît en 1961.
Cette année-là, H. Lefebvre entre dans l’Université. Il devient professeur à Strasbourg. À partir de 1965, il entre à Nanterre. H. Lefebvre a attendu d’avoir plus de soixante ans pour se lancer dans l’aventure de l’enseignement universitaire. Jusqu’en 1958, sa réputation de militant communiste, malgré l’aspect déjà monumental de son œuvre, lui en avait interdit l’accès. D’une certaine manière, cela explique peut-être pourquoi il est entré dans cette nouvelle expérience avec tant de fougue. Tant à Strasbourg qu’à Nanterre, son influence sur les étudiants va être extraordinaire. Rarement un professeur d’Université aura eu autant d’influence sur les étudiants qu’Henri Lefebvre.
L’attitude de H. Lefebvre lors du surgissement des évènements de Mai, c’est celle du philosophe qui voit se réaliser socialement, au niveau du mouvement social, les intuitions et les concepts qu’ils tentaient de formuler depuis de très nombreuses années. On lui donne la paternité des évènements de Mai68 (paternité toute universitaire s'entend) mais les situationnistes lui conteste cette paternité et le ridiculise et l'insulte (une chanson des Enragés de Nanterre...).
Il faut souligner que ce germaniste permettra à Guy Debord d'accéder aux inédits de Karl Marx que Lefebvre traduit lui-même et fait connaitre autour de lui. Debord a toujours dit être "Le plus mauvais germaniste de sa génération". Cette rencontre explique la connaissance par Debord dès 1961 des concepts "interdits" ou censurés ou non-traduits de Marx: fétichisme, réification, et "sujet automate", le tout complété par la lecture soigneuse de Lukács  (HCC).
Il faut en effet savoir qu'il existe une "Spécialité française" consistant à  saboter la "Pensée Allemande" (pensée Boche...) qui explique pourquoi nos bibliothèques sont remplies de traductions volontairement salopées de Hegel, Marx et  Nietzsche (pour ce dernier il s'agissait d'en faire le théoricien du sur-homme nazi...).
Des efforts ont permis de nouvelles traductions satisfaisantes mais les rayons regorgent encore de livres falsifiés. Alors choisissez soigneusement vos livres, la lecture (et l'étude) de Hegel n'a rien de simple et exige une bonne traduction de la "Phénoménologie" par exemple...
Sans une bonne connaissance de la dialectique hégélienne les lectures de Marx et Debord sont impossibles. Lukács insiste sur le fait que les idéologues marxiste sont anti-hégéliens et n'ont rien compris à la dialectique de Marx, traitant  Hegel en "chien crevé".
Dans son "Debord", Jappe  insiste sur les rapports Lefebvre/Debord, sur le fait que Debord était hégélo-marxiste mais ne dit rien de ces problèmes "germanistes" probablement parce que lui est tri-langue (français, allemand, italien) il avait d'ailleurs fait parvenir à Debord un exemplaire en italien de son livre en 1993.
Tonton Bob




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