Chaque mouvement social d’envergure crée des formes d’actions originales et il semble que celui en cours est en train d’inventer spontanément celui de «guérilla sociale».
À travers tout le territoire s’organisent des groupes de taille plus ou moins importante autour d’un même mot d’ordre : «On continue». La première stratégie, traditionnelle, de manifestations et de grèves répondant aux mots d’ordre syndicaux, a échoué — même si ce terme est relatif puisque cet «échec» à faire reculer le gouvernement n’a pas entraîné un terme définitif à la résistance. (J’emploie ce terme à propos.)
Sans doute, les manifestants ne se faisaient-ils pas beaucoup d’illusions sur les chances de réussite de cette méthode, alors même que les organisations politiques et syndicales affichaient (hypocritement) une confiance aussi déplacée que de façade.
Chacun savait qu’il aurait fallu monter le niveau de la lutte d’un cran et déclencher une grève générale pour instaurer un réel rapport de force capable d’emporter le morceau. Pour différentes raisons, cela n’a pas eu lieu.
La loi est aujourd’hui votée et va être promulguée. En d’autres temps, le mouvement se serait effondré. Cela n’est pas le cas, pour plusieurs raisons :
— Le symbole des retraites est fort. Ce n’est pas un hasard si cette réforme a focalisé le mécontentement.
— La lutte est conduite par la base et bénéficie d’un soutien populaire. Les ordres de «démobilisation» n’ont pas d’effet, d’où qu’ils proviennent. La suite et les formes du mouvement sont décidés de façon décentralisées et «dé-hiérarchisées».
Nous assistons donc à une poursuite du mouvement de «basse intensité», accentuée par les vacances scolaires. Des dizaines d’assemblées générales ont lieu presque quotidiennement, la plupart du temps suivies d’actions «coups de poing», à l’initiative de groupes ad hoc, rassemblant diverses sensibilités politiques et milieux professionnels. L’esprit de résistance est entretenu, le discours défaitiste et fataliste est contredit, les règles du jeu sont changées.
Cette forme d’action ouvre des perspectives considérables non seulement pour la survie du mouvement, mais aussi pour son développement. Chaque jour, nous (ré)apprenons à débattre, à communiquer, à décider, à agir. La guérilla sociale a l’initiative. C’est elle qui décide «où», «quand» et «comment», et non plus les «faiseurs d’opinion». Elle a la légitimité suprême de réelle représentativité du peuple, qu’elle doit revendiquer et sauvegarder. Elle est garante d’un contrat social, dernière digue contre la déferlante du néo-libéralisme. Elle est indépendante de par son hétérogénéité. Elle a son réseau d’information. Elle doit le développer.
Elle peut être invincible.
Indymedia Nantes, 3 novembre 2010.
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