Le curé Jean Meslier (1664-1729) s'est élevé contre la doctrine des "animaux-machines" de René Descartes (1596-1650). Il refuse qu'une idéologie aristocratique brise l'harmonie de la création.
En effet, afin de propager l'aberration cartésienne, qui sévit toujours de nos jours, le métaphysicien Nicolas de Malebranche (1638-1715), membre de l'Académie des sciences, écrit dans Recherche de la vérité : "Les animaux mangent sans plaisir, ils crient sans douleur, ils croissent sans le savoir, ils ne désirent rien, ils ne craignent rien."
Le curé de campagne d'Étrepigny, dans les Ardennes, ne supporte pas de lire une telle sottise, venant pourtant du savant, adulé par les puissants "éclairés". Aussi réplique-t-il dans Testament : "Dites à des paysans que leurs bêtes boivent et mangent sans plaisir et même sans faim, sans soif et sans appétit ; dites-leur qu'elles crient sans douleur quand on les frappe, et vous verrez comme ils se moqueront de vous !"
Le bon curé défendait les pauvres, aussi fut-il détesté par son seigneur et son archevêque, qui, disait-il, "méprisent le peuple et ne l'écoutent pas". Mis hors de lui par la méchanceté des despotes, Jean Meslier, "un homme, écrit-il de lui, qui n'avait ni science ni étude, mais ne manque pas de bons sens pour juger sainement les détestables abus", souhaite alors que "tous les grands de la terre et tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres !"
Trois cents ans ont passé, les hommes ne sont plus asservis par princes et prélats. Aujourd'hui, les "importants" sont les meilleurs, progrès oblige. "Le savoir c'est le pouvoir." Aussi, les humains relèvent-ils de "cabinets de recrutement scientifiques, ciblés, fiables", de chasseurs de têtes et de directions sophistiquées de "ressources humaines". Quant aux animaux, devenus de plus en plus machines à chair et à pondre, ou "usines ruménales" à rendre du lait, ils dépendent d'instituts techniques de "production animale". Tous ces organismes exigent des moteurs humains et animaux hautement perfectionnés, afin de s'adapter aux défis de la mondialisation du profit. Capitalistes et bureaucrates triomphent.
C'est pourquoi, déjà, il y a trente ans, la révolte étudiante transforma la saillie du curé Meslier en slogan tout aussi saignant. Ne promettait-elle pas le bonheur à l'humanité le jour où "le dernier capitaliste aurait été pendu par les tripes du dernier bureaucrate ?"
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