mercredi 19 mai 2010

Omar Khayyam

La vie de Khayyam est entourée de mystère, et peu de sources sont disponibles pour nous permettre de la retracer avec précision. Les chercheurs pensent généralement qu'Omar Khayyam est né dans une famille d'artisans de Nichapur (son père était probablement fabriquant de tentes). Il a passé son enfance dans la ville de Balhi, où il étudie sous la direction de Sheik Mohammad Mansuri, un des chercheurs les plus célèbres de son temps. Dans sa jeunesse, Omar Khayyām étudie aussi sous la direction de Imam Mowaffak de Nishapur, considéré comme le meilleur professeur du Khorasan.                                             
La légende dit, qu'Abou-Ali-Hassan (Nizam al-Mulk) et Hassan ibn al-Sabbah étudiaient alors également sous la direction de ce maître ; ce qui allait donner lieu à une sorte de pacte légendaire entre les trois hommes. La croyance populaire voulait que tout jeune homme qui étudiait sous les ordres de cet éminent Imam connaitrait un jour bonheur et honneur. Les trois étudiants, étant devenus amis, auraient alors fait le serment suivant : « Celui d'entre nous qui atteindra la gloire ou la fortune devra partager à égalité avec les deux autres ». Cette alliance légendaire reste toutefois bien improbable lorsqu'on sait que Nizam al-Mulk était de 30 ans l'ainé d'Omar et qu'hassan-ibn-Sabbah devait avoir au moins 10 ans de plus que Khayyam.
Ses poèmes sont appelés « Rubaïyat » (persan: رباعى [robā`i], pluriel [robā`iāt] ), ce qui signifie « Quatrains ». Les quatrains de Khayyam, s'ils semblent pouvoir se passer de commentaires, recèlent, selon Idries Shah, des perles mystiques, faisant de Khayyam un soufi. Il aurait prôné l'ivresse de Dieu, et se disait infidèle mais croyant. Au delà du premier degré hédoniste, les quatrains auraient donc selon ce commentateur une dimension mystique.
Dans la pratique Khayyam se montre bel et bien fort critique vis-à-vis des religieux - et de la religion - de son temps. Quant au vin dont la mention revient fréquemment dans ses quatrains, le contexte où il se place constamment (agréable compagnie de jeunes femmes ou d'échansons, refus de poursuivre la recherche de cette connaissance que Khayyam a jadis tant aimée) ne lui laisse guère de latitude pour être allégorique.
Le temps s'échappe à tire-d'aile? Sois sans peur.
Et l'heureux sort n'est pas éternel? Sois sans peur.
Profite de l'instant que te vaut la Fortune.
Sans regret, sans regard vers le ciel, sois sans peur.
Aujourd'hui sur demain tu ne peux avoir prise.
Penser au lendemain, c'est être d'humeur grise.
Ne perds pas cet instant, si ton cœur n'est pas noir
car nul ne sait comment nos demains se déguisent.

Omar Kayyam
(Perse, XII s.)

De tous les voyageurs qui ont pris cette route,
Qui donc est revenu, a rebroussé chemin?

Prends garde de ne laisser peine d'amour en route,

car tu ne reviendras, jamais, ici, demain.

Omar Khayyam


QUATRAINS

OMAR KHAYYAM
Traduction


Celui qui fit la coupe aime aussi la briser!
Chers visages si beaux, et seins doux au baiser,
Par quel amour créés, détruits par quelle haine,
Périssez-vous, trésors de cette fleur humaine?

Étreins bien ton amour, bois son regard si beau,
Et sa voix, et ses chants, avant que le tombeau
Te garde, pauvre amant, poussière en la poussière,
Sans chansons, sans chanteuse amie, et sans lumière.

Puisque ce monde est triste et que ton âme pure,
O mon amie, un jour, doit aller chez les morts,
Oh ! viens t’asseoir parmi les fleurs sur la verdure,
Avant que d’autres fleurs s’élèvent de nos corps.

Que vos pas soient légers à ces mousses fleuries,
Près de ces flots riants comme des pierreries,
Car on ne peut savoir de quelles lèvres douces
Et mortes, ont jailli ces fleurs parmi ces mousses.

L’homme est une poupée en la main d’un géant
Nous sommes des jouets sur le damier des êtres,
Et le quittons bientôt pour rentrer au néant,
Dans la botte et dans l’ombre où les vers sont nos maîtres.

Cloué, les yeux fermés, sur les hauts murs de Khous,
Pend l’affreux chef saignant du fier Key-Kavous.
Sur son crâne un corbeau crie en raillant sa gloire,
Où sont tes clairons d’or qui sonnaient ta victoire?

Que d’êtres non vivants qui vivent sur la terre !
Que d’autres enfouis au séjour du mystère !
Et devant ce désert du néant, je me dis
Que d’êtres y viendront, combien en sont partis !

Tu vis donc se fermer, plein d’adorables choses,
Ce livre, ta jeunesse, et se mourir les roses
Du jardin, d’où l’oiseau d’hier s’est envolé...
— Où, pourquoi, qui le sait? Où s’en est-il allé?

Sois jaloux en voyant la rose qui s’effeuille;
Elle sourit et dit à celui qui la cueille
Déchirant le cordon de ma ceinture, enfin,
Je répands mes trésors d’amour sur le jardin!

Comme l’aube écartait le rideau de la nuit,
Quelqu’un de la taverne a crié : le temps fuit;
Remplis ta coupe avec la liqueur de la vie,
Et sois ivre, avant l’heure où la source est tarie.

Épervier fou, laissant le séjour du mystère,
Mon âme avait voulu monter encore plus haut;
Je n’ai point ici-bas trouvé ce qu’il lui faut,
Et rentre d’où je viens, mal content de la terre.

Que de soirs, avant nous, ont éteint leur clarté !...
Oh! prends garde, en posant ton pied sur la poussière,
Car peut-être fut-elle, aujourd’hui sans lumière,
La prunelle des yeux d’une jeune beauté?

Les sages te l’ont dit : cette vie est un songe,
Une chose est certaine, et le reste est mensonge,
Une chose est certaine ainsi que nos amours,
La fleur s’épanouit, puis meurt, et pour toujours.

Plus rouge, plus ardente et plus fière est la rose
Qui fleurit à la place où quelque Émir repose,
Ainsi que la jacinthe en la mousse des bois,
Pâle, sort d’une tête adorable autrefois,

Toute espérance est vaine où notre cœur s’endort,
Et cendre elle devient; car tout va vers la mort.
Dans le désert ainsi disparaît la lumière
De la neige, éclairant sa face de poussière.

Eux-mêmes les savants, ces scrutateurs des causes,
Sans cesse poursuivant la vérité qui fuit,
N’ont pu faire un seul pas hors de l’ombre des choses,
Et, nous contant leur fable, ils rentrent dans la nuit.

Allah, Toi qui parfois T’endors, puis Te réveilles,
Te caches, puis soudain brilles en des merveilles,
Essence du spectacle, autant que spectateur
Serait-ce pour Toi seul que Tu T’en fais l’auteur?

Ce monde, moins que rien, n’est qu’un rêve pour Lui;
Sa splendeur, soleil d’or qui jaillit de la nuit,
Une heure fait briller des poussières d’atomes
— Et tout cela, vaine apparence de fantômes!

Nous sommes descendus très bas, et cette vie,
Où nous venions trop tard peut-être, a contenté
Si mal en ses désirs notre âme inassouvie,
Qu’il lui plaît de sortir d’un monde sans beauté.

Voici le printemps clair où les lys vont renaître,
Où, comme ravivé du souffle de Jésus,
Le rosier va fleurir, et le ciel au-dessus
Verser des pleurs d’amour, en pensant à son Maître.

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