J’ai travaillé trois ans au CEA, entre 2000 et 2003. J’étais alors thésard (c'est-à-dire que j’allais passer de ce qu’on appelle bac +5 à bac +8 grâce à un de ces papiers que l’on nomme diplôme) au LETI, avec une bourse du ministère de l’Education Nationale. Le domaine dans lequel j’officiais était la micro-électronique, où ma tâche consistait à tester de nouveaux types de transistors mémoires créés avec une nouvelle technique de miniaturisation, inspirée d’une technique plus ancienne (donc une technique pas si « nouvelle » que ça, mais il faut toujours se persuader que ce que l’on fait est « majeur », « important », « nouveau » ou bien est une « grande avancée dans le domaine ». Personne n’est dupe, mais la hiérarchie y croit, elle). Rien de bien confidentiel, ni de bien mystérieux, ni de très « high-tech », à vrai dire. Avant ma thèse, j’ai été formé (mais pas tout à fait formaté) dans une des écoles d’ingénieur de Grenoble, l’ENSPG. Personnellement (mais c’est affaire de caractère), je ne considère pas m’être épanoui durant mes huit années d’étude après le bac, même si je reconnais qu’elles m’ont donné ce qu’il y a de plus précieux pour chacun : du temps pour soi. C’est une chose dont tout le monde ne dispose pas sur notre planète, certains s’arrogeant le droit de voler le temps des autres.
Au moment de rentrer en thèse, j’ai commencé à me poser à nouveau des questions. Au lycée, je lisais, un peu de tout, je discutais avec mes amis, je rêvassais à un monde meilleur, j’apprenais, comme chacun, à penser par moi-même en dehors des cours (je pense d’ailleurs que l’important dans la vie, on l’apprend peut-être à l’école ou au lycée, mais certainement pas durant les heures de classe ! On l’apprend en rencontrant des gens, et c’est ce qui arrive durant notre scolarité). Après deux années d’école préparatoire et trois années d’école d’ingénieur, je me rendais compte que cela faisait un bon bout de temps que je n’avais pas lu quelque chose qui me plaisait. Durant mes années d’études, j’ai vaguement feuilleté des bouquins de cours, des bouquins techniques, survolé un ou deux journaux de-ci, de là, lu des polars et de la science- fiction, pour passer le temps. Mais quelque chose qui me plaise, qui me tente... Tiens, le premier livre que j’ai lu avec intérêt, c’est le Coran, exauçant une curiosité de lycéen ! En même temps j’ai commencé à lire le Monde Diplomatique (sur les conseils d’un ami), le Canard Enchaîné, de la presse alternative. Et là, c’était comme si le monde changeait sous mes yeux. Ainsi donc, les supermarchés étaient alimentés par un système international de production et de distribution qui appauvrissait les pays du Sud et exploitait les travailleurs dans ces hangars (si vous regardez au-dessus de vos têtes quand vous faites vos courses, vous verrez ce que sont véritablement ces temples de la consommation : des hangars, avec de gros néons à 2m50 au-dessus de nos têtes, enfin passons...) ; et ceux qui produisent tout ce que l’on achète sans même y penser parfois. Alors comme ça, nos élus subissaient des « contraintes », n’étaient pas tous honnêtes, et par-dessus tout se foutaient comme d’une guigne que nous puissions vivre à notre guise ? Et les baskets viennent de Chine ? Et des milliers d’enfants meurent par jour ? Et la planète se meurt ? Et certains en exploitent d’autres dans des proportions jamais atteintes depuis que les humains vivent dans des villes ? Et ce que je pense, c’est en partie ce que l’on veut que je pense, et pas ma pensée véritable ? Ah ben merde alors !
Au moment de rentrer en thèse, j’ai commencé à me poser à nouveau des questions. Au lycée, je lisais, un peu de tout, je discutais avec mes amis, je rêvassais à un monde meilleur, j’apprenais, comme chacun, à penser par moi-même en dehors des cours (je pense d’ailleurs que l’important dans la vie, on l’apprend peut-être à l’école ou au lycée, mais certainement pas durant les heures de classe ! On l’apprend en rencontrant des gens, et c’est ce qui arrive durant notre scolarité). Après deux années d’école préparatoire et trois années d’école d’ingénieur, je me rendais compte que cela faisait un bon bout de temps que je n’avais pas lu quelque chose qui me plaisait. Durant mes années d’études, j’ai vaguement feuilleté des bouquins de cours, des bouquins techniques, survolé un ou deux journaux de-ci, de là, lu des polars et de la science- fiction, pour passer le temps. Mais quelque chose qui me plaise, qui me tente... Tiens, le premier livre que j’ai lu avec intérêt, c’est le Coran, exauçant une curiosité de lycéen ! En même temps j’ai commencé à lire le Monde Diplomatique (sur les conseils d’un ami), le Canard Enchaîné, de la presse alternative. Et là, c’était comme si le monde changeait sous mes yeux. Ainsi donc, les supermarchés étaient alimentés par un système international de production et de distribution qui appauvrissait les pays du Sud et exploitait les travailleurs dans ces hangars (si vous regardez au-dessus de vos têtes quand vous faites vos courses, vous verrez ce que sont véritablement ces temples de la consommation : des hangars, avec de gros néons à 2m50 au-dessus de nos têtes, enfin passons...) ; et ceux qui produisent tout ce que l’on achète sans même y penser parfois. Alors comme ça, nos élus subissaient des « contraintes », n’étaient pas tous honnêtes, et par-dessus tout se foutaient comme d’une guigne que nous puissions vivre à notre guise ? Et les baskets viennent de Chine ? Et des milliers d’enfants meurent par jour ? Et la planète se meurt ? Et certains en exploitent d’autres dans des proportions jamais atteintes depuis que les humains vivent dans des villes ? Et ce que je pense, c’est en partie ce que l’on veut que je pense, et pas ma pensée véritable ? Ah ben merde alors !
Au début, je vous assure, ça fait drôle. Surtout quand en même temps on entre en thèse afin d’éviter l’incorporation de force au service du travail dans une entreprise quelconque. Même si je n’étais pas conscient de grand chose, je savais d’instinct que je ne voulais pas aller bosser en entreprise. Par paresse, et aussi pour ne pas avoir à subir la fameuse « pression ». L’entreprise vue par moi, futur cadre, c’était l’antre de la compétition. Et pourtant, nous l’avons tous entendu au moins une fois durant notre cursus en prépa et en école d’ingénieur : nous sommes l’élite de la nation ! Mais se mesurer aux autres, non merci. J’entrais donc en thèse au Commissariat à l’Energie Atomique. Ah, le CEA ! L’espoir pour quelques-uns de ceux qui, comme moi sortent de l’école d’ingénieur et viennent d’obtenir leur DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) : « Le CEA, c’est pas mal ». Le CEA, ses 25 jours de RTT, son emploi stable, sa cantine (moi c’était cantine H3, à 11h45), sa bibliothèque, sa vidéothèque, sa bricothèque (sic), son parc immobilier (on n'en parle jamais, de ce parc-là), ses locations pour les vacances, sa prime pour les naissances, pour les mariages (mais pas pour les divorces !). Des milliers de gens, de 8h à 16h30 (du moins pour les non chercheurs et les non-cadres) : des secrétaires, des livreurs, des cantiniers et des cantinières (de Sodexho), des imprimeurs, des balayeuses (pardon, des agents d’entretien), des électriciens, des gardiens (les FLS, Forces Locales de Sécurité, avec en général une moustache et un flingue à la ceinture, même si ce sont des pompiers).
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