Louise Michel : une vie de fidélité aux idéaux de la Commune
Biographie sommaire une centaine d’année après sa disparition le 9 janvier 1905 et un cortège funèbre immense le 21 janvier 1905.
De tous les personnages de la Commune de Paris, Louise Michel est la première femme à avoir triomphé de la conspiration du silence et de l’oubli. Combattante, oratrice, éducatrice, poète, accusée transformant les tribunaux en tribune, elle campe un personnage qui servira de référence à toutes les révolutionnaires d’idéologies diverses depuis la fin du 19e Siècle jusqu’à nos jours.
Louise Michel naît à Vroncourt (Haute-Marne), le 29 Mai 1830. Fille d’une servante, elle est née au château appartenant à la Mr et Mme Demahis qui l’éduquent dans la connaissance des Lumières et le souvenir de la Première République. Cette éducation lui fera prendre conscience d’abord de l’injustice, puis de la nécessité de la combattre.
En 1853, elle devient institutrice mais elle refuse de prêter serment à l’Empereur Napoléon III. Elle enseignera donc dans des écoles « libres », c’est-à-dire sans lien avec le pouvoir, d’abord en Haute-Marne, puis à Paris à partir de 1856. Ses méthodes pédagogiques s’inspirent de quelques grands principes : l’école doit être pour tous, pas de différence entre les sexes, nécessité d’une éducation à la sexualité, l’enseignant doit en permanence accroître son savoir. Sur ces idées, elle rencontre tout ce que Paris compte de républicains et l’avant-garde socialiste. En 1870, après la défaite de Napoléon III, Louise Michel se bat pour une République démocratique, inspirée de la Convention de l’an II, et sociale dans le prolongement de juin 1848. Elle sera de tous les combats pour la défense de Paris et pour réclamer l’élection de la Commune. Elle préside le Comité de vigilance des femmes de Montmartre.
Le 18 Mars 1871, elle est au premier rang des femmes de Montmartre qui mettent en échec la tentative de Thiers de s’emparer des canons de la Garde Nationale.
Pendant la Commune, elle combat dans la Garde nationale. Elle se bat sur les barricades de la Semaine sanglante. Le 24 mai, sa mère ayant été prise en otage par les Versaillais, elle se constitue prisonnière. Elle connaîtra l’horreur des prisons de Satory et des Chantiers à Versailles.
Le 16 Décembre, elle passe devant un Conseil de guerre qu’elle transforme en tribune pour la défense de la révolution sociale. Elle est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée. Elle est incarcérée à la prison d’Auberives en (Haute-Marne), jusqu’à son départ pour la Nouvelle Calédonie le 24 août 1873 où elle arrive le 8 décembre. Au bagne, elle reprend son travail d’institutrice auprès des Canaques. Elle les approuve quand ils se révoltent contre la colonisation. Elle se prend de sympathie pour les Algériens déportés après leur révolte de 1871.
Libérée après la loi d’amnistie du 12 Juillet 1880, elle revient en France où elle débarque à Dieppe le 9 Novembre et est accueillie triomphalement à Paris, gare Saint-Lazare. Figure légendaire du mouvement ouvrier, porte-drapeau de l’anarchisme, elle fait se déplacer les foules. Militante infatigable, ses conférences en France, en Angleterre, en Belgique et en Hollande se comptent par milliers. En 1881, elle participe au congrès anarchiste de Londres. À la suite de la manifestation contre le chômage de Paris (1883), elle est condamnée à six ans de prison pour pillage, devant le tribunal, une fois encore Louise Michel utilise le banc des accusés comme une tribune politique. Dans ses prises de paroles elle essaye à chaque fois de mettre en accusation l'état bourgeois. Elle nous montre, car c'est encore valable aujourd'hui, qu'il n'y a rien à attendre de la justice d'un État bourgeois : c'est une justice de classe, il faut donc la combattre, sans jamais s'en remettre à elle dans l'espoir (vain) qu'elle se montre juste. "Mais pourquoi me défendrais-je? Je vous l'ai déjà déclaré, je me refuse à le faire(...)Je sais bien que tout ce que je pourrai vous dire ne changera rien a votre sentence". C'est une leçon de courage que donne Louise Michel à chacune de ses comparutions devant les tribunaux de la république. Elle n'essaye pas de convaincre ses juges, c'est inutile ils sont aux ordres, elle les défie.
Son action révolutionnaire est marquée par sa fidélité aux idéaux de la Commune de Paris. Elle est devenue anarchiste pendant sa déportation ce qui ne l’empêche pas d’entretenir des relations courtoises avec ses anciens compagnons d’armes engagés dans la propagation du socialisme. Jusqu’à la fin de sa vie elle ira de ville en ville porter la parole révolutionnaire ce qui lui vaudra de séjourner à nouveau en prison à plusieurs reprises.
De 1890 à 1895, Louise Michel est à Londres, où elle gère une école libertaire. Elle décède le 9 janvier 1905 à Marseille après une ultime réunion publique. Le 21 janvier 1905, une foule considérable suit son cortège funèbre de la gare de Lyon à Paris jusqu’au cimetière de Levallois où elle est inhumée a côté de sa mère._______________
Le procès de Louise Michel, Communarde.
Compte rendu de la Gazette des Tribunaux
VIe Conseil de guerre (séant a Versailles)
- 1- Attentat ayant pour but de changer le gouvernement; 2- Attentat ayant pour but d'exciter à la guerre civile en portant les citoyens à s'armer les uns contres les autres; 3- Pour avoir, dans un mouvement insurrectionnel, porté des armes apparentes et un uniforme militaire, et fait usage de ces armes; 4- Faux en écriture privée par supposition de personne; 5- Usage d'une pièce fausse; 6- Complicité par provocation et machination d'assassinat des personnes retenues soit-disant comme otages par la commune; 7- Complicité d'arrestations illégales, suivies de tortures corporelles et de morts, en assistant avec connaissance les auteurs de l'action dans les faits qui l'ont consommée;
M. le président : Vous avez entendus les faits dont on vous accuse; qu'avez-vous à dire pour votre défense?
L'accusée : Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendues ; j'appartiens toute entière à la révolution sociale, et je déclare accepter la responsabilité de mes actes. Je l'accepte tout entière et sans restriction. Vous me reprochez d'avoir participé à l'assassinat des généraux? A cela je répondrais oui si je m'étais trouvée à Montmartre quand ils ont voulu faire tirer sur le peuple; je n'aurai pas hésité à faire tirer moi-même sur ceux qui donnaient des ordres semblables; mais, lorsqu'ils ont été fait prisonniers je ne comprends pas qu'on les ait fusillés, et je regarde cet acte comme une insigne lâcheté !
Quand à l'incendie de Paris, oui j'y ai participé. Je voulais opposer une barrière de flammes aux envahisseurs de Versailles. Je n'ai pas eu de complices pour ce fait, j'ai agi d'après mon propre mouvement.
On dit aussi que je suis complice de la Commune ! Assurément oui, puisque la Commune voulait avant tout la révolution sociale, et que la révolution sociale est le plus cher de mes vœux ; bien plus, je me fais l'honneur d'être un des promoteurs de la Commune qui n'est d'ailleurs pour rien, pour rien qu'on le sache bien, dans les assassinats et les incendies : moi qui ai assisté à toutes les séances de l'Hôtel de Ville, je déclare que jamais il n'y a été question d'assassinats ou d'incendie. Voulez-vous connaitre les vrais coupables? Ce sont les gens de la police, et plus tard, peut-être, la lumière se fera sur tous ces événements dont on trouve aujourd'hui tout naturel de rendre responsables tous les partisane de la révolution sociale.
Un jour, je proposais à Ferré d'envahir l'Assemblée; je voulais deux victimes, M. Thiers et moi, car j'avais fait le sacrifice de ma vie et j'étais décidée à le frapper.
Quand à l'incendie de Paris, oui j'y ai participé. Je voulais opposer une barrière de flammes aux envahisseurs de Versailles. Je n'ai pas eu de complices pour ce fait, j'ai agi d'après mon propre mouvement.
On dit aussi que je suis complice de la Commune ! Assurément oui, puisque la Commune voulait avant tout la révolution sociale, et que la révolution sociale est le plus cher de mes vœux ; bien plus, je me fais l'honneur d'être un des promoteurs de la Commune qui n'est d'ailleurs pour rien, pour rien qu'on le sache bien, dans les assassinats et les incendies : moi qui ai assisté à toutes les séances de l'Hôtel de Ville, je déclare que jamais il n'y a été question d'assassinats ou d'incendie. Voulez-vous connaitre les vrais coupables? Ce sont les gens de la police, et plus tard, peut-être, la lumière se fera sur tous ces événements dont on trouve aujourd'hui tout naturel de rendre responsables tous les partisane de la révolution sociale.
Un jour, je proposais à Ferré d'envahir l'Assemblée; je voulais deux victimes, M. Thiers et moi, car j'avais fait le sacrifice de ma vie et j'étais décidée à le frapper.
M. le Président : Dans une proclamation, vous avez dit qu'on devait, toutes les 24 heures, fusiller un otage?
R. Non, j'ai seulement voulu menacer. Mais pourquoi me défendrais-je? Je vous l'ai déja déclaré, je me refuse à le faire. Vous êtes des hommes, qui allez me juger ; vous êtes devant moi à visage découvert ; vous êtes des hommes et moi je ne suis qu'une femme, et pourtant je vous regarde en face. Je sais bien que tout ce que je pourrai vous dire ne changera rien a votre sentence. Donc un seul et dernier mot avant de m'asseoir. Nous n'avons jamais voulu que le triomphe de la Révolution ; je le jure par nos martyrs tombés sur le champ de Satory, par nos martyrs que j'acclame encore ici hautement, et qui un jour trouveront bien un vengeur.
Encore une fois, je vous appartiens ; faites de moi ce qu'il vous plaira. Prenez ma vie si vous la voulez ; je ne suis pas femme à vous la disputez un seul instant.
Encore une fois, je vous appartiens ; faites de moi ce qu'il vous plaira. Prenez ma vie si vous la voulez ; je ne suis pas femme à vous la disputez un seul instant.
M. le président : Vous déclarez ne pas avoir approuvé l'assassinat des généraux et cependant on raconte que, quand on vous l'apprit, vous vous êtes écriée :"On les a fusillés, c'est bien fait" - R. oui, j'ai dit cela, je l'avoue. (Je me rappelle même que c'était en présence des citoyens Le Moussu et Ferré.)
D. Vous approuviez donc l'assassinat? - R. Permettez, cela n'en est pas une preuve ; les paroles que j'ai prononcées avaient pour but de ne pas arrêter l'élan révolutionnaire.
D. Vous écriviez aussi dans les journaux ; dans "Le Cri du Peuple" par exemple? -R. Oui, je ne m'en cache pas.
D. Ces journaux demandaient chaque jour la confiscation des biens du clergé et autres mesures révolutionnaires semblables. Telles étaient donc vos opinions? -R. En effet ; mais remarquez que nous n'avons jamais voulu prendre ces biens pour nous ; nous ne songions qu'à les donner au peuple pour le bien-être.
D. Vous avez demandez la suppression de la magistrature? -R. C'est que j'avais devant les yeux les exemples de ses erreurs. Je me rappelais l'affaire Lesurques et tant d'autres.
D. Vous reconnaissez avoir voulu assassiner M.Thiers? -R. Parfaitement... Je l'ai dit et je le répète.
D. Il paraît que vous portiez divers costumes sous la Commune? -R. J'étais vêtue comme d'habitude ; je n'ajoutais qu'une ceinture rouge sur mes vêtements.
D. N'avez-vous pas portée plusieurs fois un costume d'homme? R. Une seule fois, c'était le 18 mars : je m'habillais en garde national, pour ne pas attirer les regards.
Peu de témoins ont été assignés, les faits reprochés à Louise Michel n'étant pas discutés par elle.
On entend d'abord la femme Poulain, Marchande.M. le président : Vous connaissiez l'accusée? Vous savez qu'elles étaient ses idées politiques? - R. Oui, monsieur le président.
Louise Michel : Mais j'ai avouée le fait, c'est inutile que des témoins viennent le certifier.
Femme Botin, peintre.Louise Michel : Mais j'ai avouée le fait, c'est inutile que des témoins viennent le certifier.
M. le Président : Louise Michel n'a-t-elle pas dénoncé un de vos frères pour le forcer à servir dans la garde nationale? -R.oui, monsieur le président.
Louise Michel : Le témoin avait un frère, je le croyais brave et je voulais qu'il serve la Commune.
M. le Président (au témoin) : Vous avez vous l'accusée un jour dans une voiture se promenant au milieu des gardes et leur faisant des saluts de reine, selon votre expression ? - R. Oui monsieur le président.
Louise Michel : Mais cela ne peut être vrai, car je ne pouvais vouloir imiter ces reines dont on parle et que je voudrai toutes voir décapitées comme Marie-Antoinette. La vérité est que j'étais tout simplement montée en voiture parce que je souffrais d'une entorse qui était la suite d'une chute faite à Issy.
La femme Pompon, concierge, répète tout ce qui se racontait sur le compte de l'accusée. On la connaissait comme trés exaltée.
Cécile Denéziat, sans profession, connaissait beaucoup l'accusée.
M. le Président : L'avez-vous vue habillée en garde nationale ? - R. Oui, une fois, vers le 18 Mars.
D. Portait-elle une carabine? -R. Je l'ai dit, mais je ne me rappelle pas bien ce fait.
D. Vous l'avez-vous se promenant en voiture au milieu des gardes nationaux? -R. Oui, monsieur le président, mais je ne me rapelle pas exactement les détails de ce fait.
D. Vous avez aussi déjà dit que vous pensiez qu'elle s'etait trouvée au premier rang quand on avait assassiné les généraux Clément Thomas et Lecomte? -R. Je ne faisais que répéter ce qu'on avait dit autour de moi.
M. le capitaine Dailly prend la parole. Il demande au conseil de retrancher de la société l'accusée, qui est pour elle un danger continuel. Il abandonne l'accusation sur tout les chefs, excepté celui de port d'armes apparentes ou cachées dans un mouvement insurrectionnel.
Me Haussman, à qui la parole est ensuite donnée, déclare que devant la volonté formelle de l'accusée de ne pas être défendue, il s'en rapporte simplement à la sagesse du conseil.
M. le Président : Accussée, avez-vous quelques choses à dire pour votre défense?
Louise Michel : Ce que je réclame de vous, qui vous affirmez conseil de guerre, qui vous donnez comme mes juges, qui ne vous cachez pas comme la commission des grâces, de vous qui êtes des militaires et qui jugez à la face de tous, c'est le champ de Satory , où sont déjà tombés nos fréres.
Il faut me retrancher de la société; on vous dit de la faire : eh bien ! le commissaire de la république à raison. Puisqu'il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n'a droit qu'à un peu de plomb, j'en réclame une part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la commission des grâces......
Il faut me retrancher de la société; on vous dit de la faire : eh bien ! le commissaire de la république à raison. Puisqu'il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n'a droit qu'à un peu de plomb, j'en réclame une part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la commission des grâces......
M. le Président : Je ne puis vous laissez la parole si vous continuez sur ce ton.
Louise Michel : J'ai fini.... Si vous n'êtes pas des lâches, tuez-moi......
Après ces paroles qui ont causé une profonde émotion dans l'auditoire, le conseil se retire pour délibérer. Au bout de quelques instants, il rentre en séance, et, aux termes du verdict, Louise Michel est à l'unanimité condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée.
On ramène l'accusée et on lui donne connaissance du jugement. Quand le greffier lui dit qu'elle à 24 heures pour se pouvoir en révision ;
"Non ! s'écrie-t-elle, il n'y a point d'appel ; mais je préférerais la mort ! "
"Non ! s'écrie-t-elle, il n'y a point d'appel ; mais je préférerais la mort ! "
La Gazette des Tribunaux, Décembre 1871.
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