mardi 16 mars 2010

Jacques Roux et les Enragés

 Les Enragé(e)s

"En 1792-93, ceux qu'on appelait les Enragés, la frange la plus radicale de la Révolution française, entendaient poursuivre la Révolution à laquelle modérés et Jacobins rêvaient de mettre un terme. À Paris et à Lyon, dans les sociétés populaires, les clubs, les émeutes, ils ont laissé des brochures, des discours, des journaux, un bouillonnement d'idées et de pratiques : démocratie directe, droit de tous aux produits de base, résistance à la dictature du commerce, pleine citoyenneté des femmes, sanctions contre les spéculateurs et les " agioteurs ". Ces questions, qui restent d'une brûlante actualité, continuent de nourrir notre réflexion et notre impatience." Claude Guillon

Ils revendiquent l'égalité civique et politique mais aussi sociale, préconisant la taxation des denrées, la réquisition des grains et des taxes sur les riches. On peut les situer à gauche des Montagnards.  Varlet,  Roux, Leclerc, ou les Républicaines Révolutionnaires comme Claire Lacombe et Pauline Léon, la référence au caractère populaire de la souveraineté, son exercice direct par le peuple est permanente. Cette aspiration à une démocratie populaire, corollaire dans la réflexion enragée d’une critique de la représentation nationale s’appuie sur une méfiance viscérale envers les représentants du peuple. Celle-ci s’accompagne naturellement de la volonté de contrôler fortement ces mandataires du peuple. Jacques Roux écrira ainsi : « Peuple ! Sous le règne de la liberté, tu dois avoir sans cesse les yeux fixés sur tes magistrats », Jacques Roux, Le Publiciste de la République française, n°247, 25 juillet 1793

Jacques Roux, est leur tribun, surnommé "le curé rouge". frappé d’interdit après avoir participé au pillage de châteaux. Vicaire de Saint-Thomas-de-Conac en 1790, il fut l'un des premiers prêtres (« curé rouge » selon Maurice Dommanget) à prêter serment à la Constitution civile du clergé. Il accompagna Louis XVI à l'échafaud avec Jacques-Claude Bernard. Sa faction des Enragés dont Jean-François Varlet fait partie), réclamait la taxation et la réglementation en termes de prix. Il dénonçait la bourgeoisie marchande plus terrible selon lui que « l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale ».
Ce « prêtre socialiste » (Albert Mathiez) liait problème politique, crise sociale et question agraire et ce dès 1792. Il défendait l'idée que les principes de liberté défendues par la nouvelle législation servaient avant tout l'intérêt d'une classe au détriment de la société. L'expression la plus achevée de son programme fut sans doute celle contenu dans son Adresse à la Convention nationale (également connue sous le nom de Manifeste des Enragés) le 25 juin 1793 qui repose sur l'idée que
:

« La liberté n'est qu'un vain fantôme, quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'égalité n'est qu'un fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort de son semblable. La république n'est qu'un vain fantôme, quand la contre-révolution s'opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes. »
Trois points peuvent apparaître comme les lignes de force de ce programme : taxation générale, répression de l'accaparement, prohibition du commerce de l'argent monnayé.
Son mouvement inquiétant la Convention, Roux était de plus en plus isolé. Les Montagnards déclenchent contre lui une campagne visant à le faire passer pour un contre-révolutionnaire. Arrêté en septembre 1793 pour être jugé par le Tribunal révolutionnaire, il préféra se donner la mort en se poignardant.
« Les lois ont été cruelles à l'égard du pauvre parce qu'elles n'ont été faites que par les riches et pour les riches. »

A lire: Maurice Dommanget. 1793, les Enragés contre la vie chère ; Les Curés rouges : Jacques Roux, Pierre Dolivier ; Manifestes des enragés et des égaux. -  Paris : Spartacus, 1976 [juil.-aout]. - 132 p.
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L'expression est reprise en 1967 par les étudiants contestataires de Nanterre qui vont fonder le Comité Enragés
et plus tard, en 68 à la Sorbonne d'abord, fusionner dans le Comité Enragés-Internationale Situationniste

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