lundi 15 février 2010

DU POINT DE VUE DES ÉMEUTIERS

LES ÉMEUTES DE L’AUTOMNE 2005
DANS LES BANLIEUES FRANÇAISES
DU POINT DE VUE DES ÉMEUTIERS
     Laurent Mucchielli 1 et Abderrahim Aït-Omar 2


   Au mois de novembre 2005, la France a soudainement occupé les devants de la scène médiatique internationale. Les propos les plus catastrophistes (comme ces reportages présentant la France comme « à feu et à sang » alors que les émeutes n’ont pas occasionné une seule mort d’homme) et les plus dénués de fondements (comme ceux met- tant en cause la religion musulmane) ont pu être entendus dans les médias français et étrangers. Cela étant, il reste que ces émeutes sont inédites dans l’histoire de la France contemporaine : pour la première fois le phénomène n’est plus localisé, propre au quartier où un drame (généralement la mort d’un jeune) est survenu ; il a pris au contraire une dimension nationale, de Dunkerque à Nice et de Strasbourg à Toulouse. Nous ne reviendrons pas ici sur les faits, connus par ailleurs au terme d’une recherche collective récente sur laquelle nous nous appuierons tout au long de ce texte (Mucchielli, Le Goaziou, 2006), et d’autres travaux publiés par la suite (notamment Lagrange, Oberti, 2006). Nous voudrions par contre nous interroger sur les mécanismes de propagation des émeutes et en particulier sur les motivations des émeutiers. C’est là une donnée largement méconnue.

COMMENT FAIRE ENTENDRE LE POINT DE VUE DES ÉMEUTIERS ? 

L’on a beaucoup prêté aux émeutiers, mais rares ont été les commentateurs qui ont recueilli le point de vue de ceux qui étaient pourtant les premiers concernés. Ceci peut s’expliquer au moins pour trois raisons. La première tient au fait que, à la différence d’autres mouvements sociaux utilisant eux aussi la violence – l’on songe par exemple aux traditionnelles manifestations d’agriculteurs en colère (Duclos, 1998), mais aussi au mouvement lycéen et étudiant dit « mouvement anti-CPE » de mars 2006 –, la violence émeutière est une réaction spontanée dénuée de tout support organisationnel (association, syndicat, parti politique). Les émeutiers n’affichent aucune banderole, de crient aucun slogan dans des haut-parleurs, ne distribuent aucun tract. Ils n’ont pas de porte-parole, ni même de leaders. Ils n’ont aucun discours construit et encore moins formaté à proposer aux journalistes qui viendraient les interroger et à ceux des hommes politiques qui accepteraient éventuellement de les prendre au sérieux. La seconde raison est que d’autres discours très bien construits, formatés et diffusés se sont aisément imposés dans le débat public et avaient de sur- croît comme visée de déconsidérer les émeutiers en les réduisant à de simples délinquants. Le fait n’est pas nouveau. À travers la notion de « violence urbaine », telle que conçue et diffusée dans le débat public par la hiérarchie policière et par quelques « experts en sécurité » autoproclamés, c’est en réalité une tentative de criminalisation de l’ensemble des manifestations de violence collective dans les quartiers populaires qui est proposée depuis une quinzaine d’années (Mucchielli, 2002). Telle est de nouveau la stratégie qui a structuré le discours du ministre de l’Intérieur durant les émeutes de novembre 2005, le conduisant à déclarer devant l’Assemblée nationale que « 75 à 80 % » des émeutiers interpellés étaient des délinquants déjà connus, que les émeutes traduisent notamment « la volonté de ceux qui ont fait de la délinquance leur activité principale, de résister à l’ambition de la République de réinstaurer son ordre, celui de ses lois, dans le territoire » et enfin que les émeutes étaient une délinquance collective organisée par des « bandes délinquantes »3 et par des « groupes extrémistes » . Or cette interprétation sera d’abord contestée par les magistrats, notamment ceux du tribunal correctionnel de Bobigny jugeant en comparution immédiate les premiers émeutiers poursuivis en Seine-Saint-Denis. Pour eux, « la très grande majorité présentent un profil de primo-délinquants ». Et ce constat sera notamment confirmé par les parquets de Créteil, de Lyon, de Nice et de Nancy 4. La théorie de l’organisation délinquante sera ensuite démentie par un des propres services du ministère de l’Intérieur, les Renseignements généraux (RG), dont le journal Le Parisien révélera le 7 décembre un rapport rédigé à la fin des émeutes, diagnostiquant « une forme d’insurrection urbaine non organisée », « une révolte populaire des cités, sans leader et sans proposition de programme », animée par des jeunes « habités d’un fort sentiment identitaire ne reposant pas uniquement sur leur origine ethnique ou géographique, mais sur leur condition sociale d’exclus de la société française » 5. En outre, ce sont à nouveau les RG ainsi que la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) qui démentiront par la suite officiellement toute implication des groupes musulmans radicaux 6. Enfin et surtout, nous pouvons désormais ajouter à ces démentis officiels ceux qui proviennent des premières recherches empiriques, dont les résultats commencent à paraître. Deux d’entre elles ont analysé les dossiers des émeutiers de novembre 2005 jugés au tribunal de Bobigny, pour le département de la Seine-Saint-Denis (93) qui fut au cœur de ces événements. La première, portant sur 86 mineurs, a montré que seul un tiers d’entre eux avaient des antécédents judiciaires pour des actes délinquants (Delon, Mucchielli, 2006). La seconde, portant sur 115 majeurs, établit cette proportion à 40 % (Mazars, 2006). Dans les deux cas, le nombre moyen d’infractions antérieures chez les auteurs déjà condamnés est de 1 ; il ne s’agit donc pas de personnes réellement engagées dans des styles de vie délinquants. La criminalisation des émeutes constitue ainsi une « théorie-écran » dont l’analyse scientifique doit se débarrasser si elle veut pouvoir prétendre s’exercer pleinement. Au demeurant, une deuxième théorie-écran nous éloigne tout autant de la possibilité même de déployer l’exercice analytique. C’est celle qui ne voit dans ces « violences urbaines » ou « violences collectives » que des conduites juvéniles ludiques sans but ni même conscience, des « violences gratuites » selon une autre expression à la mode, dont la contagion imitative ou concurrentielle serait simplement véhiculée par les écrans de télévisions, d’ordinateurs ou de téléphones portables. Cette représentation ne constitue pas seulement un discours ordinaire et spontané de type « café du commerce », elle imprègne en profondeur les raisonnements de nombreux élus, représentants des institutions et commentateurs divers (journalistes, intellectuels). Or, si la dimension ludique et l’excitation étaient bien présentes dans les conduites transgressives de nombreux adolescents, de même que, parfois, des effets de concurrence et de surenchère à la fois entre quartiers voisins et entre jeunes d’un même quartier (certains « petits » voulant montrer leur courage physique et ainsi s’élever dans la hiérarchie locale des réputations), tout ceci ne s’oppose pas au fait qu’ils aient par ailleurs des raisons d’agir, des motifs de colère ainsi qu’un sentiment de légitimité de cette colère 7. Enfin, l’explication qui place en son centre l’impact des médias est aisément réfutable. Non seulement, dans l’histoire de France, des émeutes rurales et urbaines de grande ampleur ont eu lieu en l’absence de tout médias autre que le bouche-à-oreille, mais, dans la période contemporaine, la plupart des émeutes précédentes ont été médiatisées – parfois fortement – sans entraîner pour autant une extension en dehors de la commune concernée. La troisième raison pour laquelle le point de vue des émeutiers n’est guère pris en compte dans le débat public tient à la difficulté objective qu’il y a à recueillir leur parole dans des conditions en garantissant l’anonymat et l’authenticité (par opposition à la surenchère verbale que risquent toujours de susciter le contexte public et les caméras de télévision). Mener des entretiens approfondis avec des émeutiers pose en effet non seulement les problèmes classiques liés à cette méthodologie, mais aussi les difficultés liées au caractère illicite de l’activité enquêtée, dans un contexte de fortes tensions sociales. Les émeutiers que nous avons rencontrés avaient commis des infractions, n’avaient pas été inquiétés par les forces de police durant les émeutes, mais pouvaient toujours l’être. Du surcroît, au moment de la conduite des entretiens (soit environ un mois après les faits), la tension n’avait pas disparu dans les quartiers. Pour toutes ces raisons, la réalisation de tels entretiens n’aurait pas été possible si l’un d’entre nous n’avait pas été préalablement immergé sur le terrain, dans ce quartier classé « zone urbaine sensible » d’une ville populaire du département des Hauts-de-Seine, en banlieue parisienne 8. Grâce à la confiance et la légitimité dont le chercheur jouissait auprès de ces jeunes âgés de 15 à 20 ans, nous avons pu réaliser douze entretiens, neuf individuels et un collectif avec trois jeunes ayant agi ensemble et n’ayant pas souhaité s’exprimer séparément. Ce nombre d’entretiens est modeste et nous ne prétendons certes pas épuiser le sujet. Toutefois, ces entretiens approfondis jettent quelques lumières qui nous semblent indispensables à la compréhension des émeutes. 

PAROLE D’ÉMEUTIERS : LES RAISONS DE LA COLÈREQue disent donc ces émeutiers sur les raisons de fond de leur colère ?
Deux séries de raisons sont évoquées. Les premières, qui n’apparaissent pas systématiquement, sont relatives aux événements qui ont déclenché les
  émeutes. Les secondes, récurrentes, évoquent non pas le contexte de l’émeute mais certaines dimensions de l’expérience de vie quotidienne de ces jeunes. Certains émeutiers évoquent donc d’abord les événements de Clichy-
sous-Bois, mais surtout pour dire que la police en est responsable et que le ministre de l’Intérieur a tenté de le dissimuler. En réalité, à une exception près (un jeune ayant des amis à Clichy), le drame initial (la mort des deux adolescents) n’est qu’évoqué sans plus d’émotion. D’autres insistent davantage sur la grenade lacrymogène tirée en direction de la mosquée de Clichy (en période de Ramadan et à l’heure de la prière) mais, là encore, c’est moins la grenade en elle-même qui les révolte que l’absence d’excuses – ou, à tout le moins, de reconnaissance d’une erreur – de la part de la police. Dans les deux cas, on voit ici que c’est ce qui est considéré comme un déni et un mensonge de la part des autorités qui fonde l’indignation et donc le sentiment de légitimité morale de la colère émeutière (ce qui est classique dans les émeutes, comme le rappelle D. Lapeyronnie [2006]). Et c’est ce sentiment de légitimité morale qui permet ensuite à l’émeutier de justifier ses actes. 

drames survenus dans un environnement qui ne leur est pas directementÀ ce premier niveau d’analyse, certains émeutiers s’identifient donc aux familier. Mais, au regard de l’ensemble des entretiens réalisés, il apparaît que l’essentiel n’est sans doute pas là. En réponse à la question du « pourquoi » de la conduite émeutière, tous – sans exception – évoquent surtout, et avec une profusion de détails, leur propre expérience de vie. En d’autres termes, s’ils peuvent s’identifier aux drames de Clichy-sous-bois, c’est parce que ces derniers symbolisent et cristallisent en réalité une colère préexistante issue de leur propre expérience à la fois individuelle et collective. C’est cette expérience qui nourrit en profondeur leur « rage ». La question se déplace alors vers le contenu de cette expérience, que l’on peut résumer en parlant d’un vécu d’humiliations multiples accumulées. Certains racontent des expériences de discriminations à l’embauche, voire font du racisme une explication généralisée (on y reviendra). La plupart font clairement remonter leur sentiment d’injustice et d’humiliation à l’école. Enfin, tous, sans exception, disent avec véhémence que la source quotidienne de leur sentiment d’injustice et d’humiliation est leur relation avec la police. Nous commencerons donc par là. Les récits de ces jeunes se ressemblent beaucoup, nous en livrons ici quatre extraits :     « Avant les émeutes c’était la routine, on reste avec les potes après les cours, on charrie entre nous, on fait quelques sorties, on va manger au grec et si y’a du gent-ar [de l’argent] à se faire on fait parce que la mère elle peut pas tout assurer. Par exemple, des mecs ramènent des téléphones portables de Thaïlande qu’ils achètent 50 euros, bien nous on va les revendre 150 et ils nous donnent notre bifton de 50. [...] On s’débrouille quoi. Les flics, quand ils nous serrent avec ça, ils savent que c’est pas de la marchandise volée mais ces fils de p... ils nous les prennent pour les garder. C’est pour ce genre de truc que j’ai la rage parce qu’avec leur insigne de la police nationale, ils se croient tout permis, ils savent qu’on peut pas répondre et ils nous cherchent tout le temps en attendant qu’on fasse la moindre faute, et après ils te mettent un outrage ou autre chose pour que tu fasses une garde à vue. Moi, c’est ce qui s’est passé. Une fois je vendais une Rolex, ils me l’ont prise et le keuf il m’a dit “merci pour le cadeau, je vais la porter tout le temps”. Depuis ce jour-là j’ai la haine. Les émeutes, c’était une vengeance par rapport à tout ça. » (H..., 15 ans, en BEP).
 « Pourquoi ils nous laissent pas tranquilles ? On est dans notre quartier en train de discuter avec nos potes et ils viennent te faire chier deux ou trois fois dans la même journée. Franchement, avant les émeutes, on était tranquille, on jouait au foot entre potes, en plus c’était le Ramadan donc on essayait de faire le maximum attention à notre comportement mais ils sont toujours là pour tout casser. Et après ça a pété bien comme il faut. Toutes façons, ça aurait pété un moment ou un autre [...], avec ou sans la mort de ces deux mecs à Clichy-Sous-Bois. [...] Ça m’a fait trop plaisir quand on leur a jeté des pavés dans la gueule, pour une fois on a inversé les rôles, si tu les avais vus, cette fois-ci ils faisaient moins les malins. Moi je disais aux mecs ’il faut pas brûler des voitures, si on doit faire quelque chose c’est bien taper un poulet’, comme ça, quand ils vont venir dans le quartier, avant de rentrer dedans ils vont se chier dessus et ils vont tellement flipper qu’ils joueront plus les cowboys. [...] y a très peu de quartiers qui ont fait ça pour être solidaires de Clichy, moi je te dis que c’est la haine contre les keufs, parce qu’ils parlent trop mal. [...] Je sais que maintenant les Français ils vont avoir la haine contre les mecs des cités mais qu’est-ce que tu veux c’est pas de notre faute, nous on demande juste du respect, moi si le keuf il vient et me demande mes papiers poliment je lui donne sans problème » (
R..., 16 ans, en BEP).
 « On était posés et les keufs sont venus pour voir si on avait de l’essence dans les mains, ils nous ont hagar [intimidé], ils sont venus à trois, ils se prennent pour des chauds dans la cité alors qu’on avait rien fait. Moi je m’en foutais des brûlés [de Clichy-sous-Bois], je voulais me taper avec les keufs. [...] Ils commencent à crier et parlent pour rien dire alors que toi tu parles pas. Ils t’insultent “ferme ta gueule !” et ils sentent tes mains pour voir si y a de l’essence. C’était en fin d’après-midi. [...] J’ai ressenti la rage. [...] Nous, on voudrait que les keufs se comportent bien avec nous : “Bonjour, contrôle d’identité, vous avez vos papiers ?”. Mais eux c’est : “Alors les gars, vous galérez ? Alors on va pas s’ennuyer ! Passe-moi ta carte d’identité et ferme ta gueule”. Alors tu lui donnes et tu fermes ta gueule. Y’a pas d’bonjour, pas d’au revoir, ils nous traitent comme de la merde » (
B..., 17 ans, à la recherche d’un emploi).
« Franchement dans les émeutes y’avait de tout. Il y avait les mecs qui avaient la rage contre les keufs, d’autres qui avaient la rage contre l’école parce qu’ils ont plus d’école, d’autres parce qu’ils ont pas de tafs, d’autres pour s’affirmer dans le quartier. Tous les mecs qui avaient une rage contre quelque chose ils ont profité des émeutes pour tout niquer. Mais la majorité des mecs c’est la haine contre les keufs parce qu’ils se la racontent beaucoup, y’en a plein ils sont racistes et ils nous traitent comme de la merde. [...] quand un juif se fait taper, on en fait toute une histoire au journal de 20 heures et le Président en personne il présente ses excuses, mais quand c’est un arabe ou un noir c’est pas grave, et encore pire : Sarkozy, il a pas essayé de camoufler quand le keuf il a jeté la grenade lacrymogène dans la mosquée ? C’est un pays d’hypocrites » (T..., 18 ans, à la recherche d’un emploi).
Ainsi, la vengeance envers les policiers peut être considérée comme la première motivation des émeutiers, a fortiori lorsque – et de nombreux témoignages convergent en ce sens 9 – cette police ne s’est pas contentée de subir la violence des jeunes mais est parfois venue la provoquer (par exemple en se déployant massivement et en multipliant les contrôles et les provocations verbales dans des quartiers où il n’y avait pas encore eu d’incidents majeurs). Encore une fois, ceci peut étonner tant le discours médiatico-politique dissimule cette réalité de terrain, ces rapports de force, ces provocations, ces violences et ces vengeances réciproques qui structurent au quotidien les rapports entre groupes de jeunes et groupes de policiers et qui constituent une dimension majeure de l’expérience de vie de ces jeunes (Kokoreff, 2004 ; Mohammed, Mucchielli, 2006).
Pourtant, méconnaître cette réalité c’est s’interdire de comprendre le déclenchement et le déroulement de la plupart des émeutes. Méconnaître cette réalité, c’est enfin s’interdire de comprendre que les discours du ministre de l’Intérieur cristallisent le sentiment d’humiliation des jeunes (et des moins jeunes) des quartiers populaires et ont donc réellement eu un impact sur eux à l’automne 2005 : avant les émeutes, ces discours ont contribué à « chauffer les esprits » et, pendant les émeutes, ils ont clairement « jeté de l’huile sur le feu » 10.
1. Sociologue, chercheur au CNRS, enseignant à l’université Versailles/Saint-Quentin en Yvelines, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, UMR 8183). mucchielli@cesdip.com. Laurent Mucchielli (né en 1968) a fait des études universitaires de droit, d’histoire et de sociologie (doctorat soutenu en janvier 1996 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Il entre au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) en 1997 et rejoint l’équipe du CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), laboratoire qu’il dirige depuis janvier 2004. Il enseigne par ailleurs la sociologie de la délinquance à l’Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines et intervient régulièrement à l’École Nationale de la Magistrature. Ses domaines de recherches sont 1) la sociologie de la délinquance et des politiques de prévention et de sécurité, 2) l’histoire et l’épistémologie de la criminologie et de la sociologie de la déviance, 3) la sociologie des émeutes urbaines.
Laurent Mucchielli est par ailleurs codirecteur de la Revue d’histoire des sciences humaines, membre du comité de rédaction de Déviance et Société et administrateur de l’Association Française de Sociologie. Intellectuel « impliqué », il est aussi fondateur du groupe Claris (« Clarifier le débat public sur la sécurité ») et rédacteur en chef de sa revue.
2. Sociologue, titulaire d’un Master Professionnel « Développement social local » et d’un Master Recherche en sociologie de l’université Versailles/Saint-Quentin en Yvelines.
abdel746@hotmail.com

3. Voir les dépêches de l’Agence France Presse (AFP) des 6, 9, 15 et 19 novembre.
4. AFP, 17 novembre.
5. Le Parisien, 7 décembre 2005.
6. AFP, 23 et 24 novembre.


7. Le même raisonnement vaut du reste pour la première théorie-écran : que certains émeutiers aient par ailleurs un casier judiciaire ne présume en rien des motivations de leur conduite pendant l’émeute. La délinquance est une activité partielle et non la définition globale d’une personne humaine. En d’autres termes, ceux des émeutiers qui étaient déjà connus de la justice n’avaient pas nécessairement des motivations différentes de celles des autres.
8. Au recensement de 1999 (le dernier disponible), cette ville comptait un peu plus de 22 000 habitants. Près de 70 % d’entre eux résidaient en HLM (contre 23 % dans l’ensemble de la région Ile-de-France). 67 % des actifs étaient ouvriers ou employés (contre 46 % dans la région). Le taux de chômage sur la commune était de 16,5 % (ayant augmenté d’environ 30 % depuis le précédent recensement de 1990) et celui des jeunes âgés de 15 à 24 ans était de 28 %. La proportion de personnes « d’origine étrangère » est impossible à chiffrer précisément, mais 20 % des ménages avaient une personne de référence de nationalité étrangère, ces ménages étant parmi les plus pauvres (87 % d’entre eux étaient ouvriers, employés, inactifs ou retraités) et étant par ailleurs ceux ayant le plus d’enfants (ils représentaient les deux tiers des familles ayant 4 enfants ou plus).9. Le maire de Clichy-Sous-Bois, lui-même, déclarait à l’AFP le 2 novembre 2005 que « le dispositif policier, cette nuit, serait adapté et nettement moins provoquant » et que, pour cette raison, les choses devraient mieux se passer. De même, notre équipe a constaté des provocations policières dans plusieurs quartiers de la région parisienne.
 
10. Durant les émeutes, de nombreux journalistes ont réalisé quelques articles basés sur des interviews de jeunes habitants (dont quelques émeutiers) des quartiers populaires de la région parisienne, en particulier en Seine-Saint-Denis (par exemple :
« À Clichy-Sous-Bois, la “guerre à la police” pour se venger et se distraire », AFP, 2 novembre 2005 ; « À Aulnay-Sous-Bois, des jeunes des 3 000 narguent les CRS en pleine nuit », AFP, 3 novembre 2005 ; « Des adolescents du 93 fascinés par les troubles : “Sarko cherche, il trouve” », AFP, 5 novembre 2005). Ces interviews indiquent d’une part que ces jeunes voulaient surtout affronter la police, d’autre part qu’ils voulaient également répondre aux provocations verbales du ministre de l’Intérieur qui, depuis plusieurs mois, avait choisi une stratégie de communication consistant à stigmatiser  fortement les jeunes habitant des quartiers populaires : le ministre voulait ainsi « Débarrasser la France de ces voyous », « nettoyer au Kärcher » ces quartiers qui seraient terrorisés par des « bandes de racailles » (Demiati, 2006)


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