dimanche 19 février 2012

« Révision »

Texte quasi prophétique éclairant la manipulation de Lyon. Le but étant d'entretenir la confusion des "extrémistes", les uns renvoyant aux autres, tous dans le même sac. Deux modes d'action, la création Ad hoc de pseudo-groupes radicaux (comme la Vieille Taupe et le pseudo-antifascisme) et la manipulation des vrais: Ici les French ANONYMOUS sont la cible...

Contre le pillage

Bounan sur le négationnisme

extrait (chap. VII) de L'Art de Céline et son temps, Éditions Allia, 1997 


Au cours des années cinquante et soixante, plusieurs groupes d'individus issus des courants marxistes, anarchistes, surréalistes, ont tenté de reconstituer une critique sociale moderne, à partir des débris de sa récente défaite, de la compréhension des forces qui l'avaient vaincue, de la nouvelle organisation du monde qui en était résultée. Beaucoup de gens alors -- et plus particulièrement parmi les jeunes générations, moins éblouies que leurs aînés par les réfrigérateurs, les téléviseurs, le théâtre dit populaire ou la grande révolution russe -- ressentaient très vivement les contrecoups de l'organisation sociale moderne, l'isolement individuel, la passivité générale, la pauvreté du vécu. Et cette souffrance les rendait particulièrement sensibles aux raisons vraisemblables de leur étrange vie, et attentifs à toute entreprise visant à en renverser le cours. L'inquiétude collective a rencontré de plus en plus sympathiquement la nouvelle critique sociale qui se nourrissait elle-même d'une telle insatisfaction et cette convergence a culminé en France de façon explosive en 1968.
Le rôle tenu alors par l'Internationale situationniste (1958--1972) a paru, après coup, considérable. Il a pourtant été ridiculement exagéré -- et tout autant minoré -- par le même procédé d'éclairage publicitaire. Ceux qui ont participé à ses activités ont été d'abord les fils mécontents de leur temps et les porte-parole de l'insatisfaction collective. Ils ont été aussi les héritiers du mouvement révolutionnaire ainsi que des instruments critiques qu'il avait forgés depuis cent cinquante ans. C'est dans cette « mêlée » de leur époque et du mouvement historique qu'ils ont nommé, dénoncé et affronté les conditions de vie qui étaient celles de tous. La critique sociale a donc resurgi, à travers eux, dans l'histoire comme sujet du monde et dans l'affirmation de son exclusive légitimité. Elle s'est fait reconnaître comme la langue maternelle oubliée des nouveaux colonisés du monde moderne. Elle a bien été le contraire d'un objet admirable, et la révolte de 1968 en a exprimé les revendications par la bouche et les actes de gens qui en ignoraient jusqu'à l'existence.
On sait que pour les policiers, les journalistes et quelques autres, les situationnistes ont été les principaux artisans de cette révolte. C'est compréhensible de leur point de vue spécial puisqu'ils ignorent l'origine des situationnistes eux-mêmes et de leur critique. De curieux individus ont ainsi commencé à tourner autour de ce qui s'élaborait là, s'autoproclamant « révolutionnaires », « libertaires », « radicaux », selon la procédure énoncée un siècle auparavant par Maurice Joly: « parler leur langage... pénétrer dans leurs rangs... il y a là des directions à donner, etc. ».
EN 1965, une officine s'ouvre à Paris à l'enseigne de La Vieille Taupe, où une équipe de libraires vendent d'anciens ouvrages du mouvement ouvrier, des textes réédités d'un certain Bordiga (pour qui le génocide juif perpétré par les nazis résulta du seul effondrement de la petite bourgeoisie au cours de la concentration accélérée du capital), ainsi que la revue Internationale situationniste, durant quelques mois et jusqu'à ce que les prétentions révolutionnaires de ces libraires et leurs fréquentations d'alors, paraissent aux situationnistes trop incompatibles, déjà, pour ne pas sentir le roussi.
La Vieille Taupe, dont les membres avaient déjà fait leurs classes dans divers groupes de critique sociale avancée des années cinquante et soixante, se présente désormais comme un groupe autonome, révolutionnaire, radical, situationnisant, et s'invente le label confusionniste d'« ultra-gauche » qui n'a jamais été que celui de ce groupuscule.
Outre leur activité de libraires, ses membres produisent des commentaires de critiques, se montrent en mai-juin 1968 dans divers comités, commissions, groupes de liaison, et sont en relation avec des groupes identiques, en Italie et en Espagne principalement. Ils se proclament en parfait accord avec le projet révolutionnaire mais sans jamais dire les raisons qui auraient pu les y conduire, ni produire une critique originale -- même d'un aspect minuscule -- de ce qu'ils prétendent dénoncer « radicalement ».
Ils se posent simplement là, dans le courant révolutionnaire de l'époque, justement pour ne rien dire, sauf qu'ils sont là.
Dans le reflux contre-révolutionnaire des années soixante-dix, la librairie ferme ses portes en 1972 et l'enseigne de La Vieille Taupe quitte la scène publique. Elle y reviendra avec éclat quelques années plus tard pour coiffer un programme bien différent mais tout à fait exclusif.
DEPUIS la fin de la guerre et l'énorme mensonge des vainqueurs attribuant à la seule Allemagne la responsabilité du génocide juif, d'anciens nazis, et d'autres qui s'étaient compromis avec eux, des nationalistes allemands et des fils de boutiquiers antisémites, se découvraient désormais au ban de l'humanité, pour des crimes inouïs dont ils n'avaient été au pire que les instruments. Leur position politique leur interdisait d'accuser leurs juges des crimes qu'ils leur faisaient porter, et ils s'efforçaient plutôt, misérablement, de réduire ou même de nier le génocide juif qui les condamnait, eux seuls, à l'enfer.
Ces microsectes qui prétendaient corriger l'histoire à leur moindre désavantage se donnaient le nom de « révisionnistes » et leurs sympathies étaient volontiers affichées avec les folkloriques groupes néo-nazis.
Il faudra attendre la fermentation des années soixante-dix, consécutive à la grande peur de 1968, pour que le journal Le Monde lance une curieuse affaire dont il s'est fait depuis le chroniqueur zélé. Un universitaire lyonnais soutenait que le génocide juif était un simple mythe et que « jamais Hitler n'(avait) ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion ». Cette stupéfiante proclamation, qu'aucun « révisionniste », archéo ou néo-nazi, n'avait encore osé lancer, était paradoxalement cautionnée -- avertissaient les commentaires journalistiques -- par des gens tout à fait libertaires, anarchisants et même « ultra-gauchisants », par un groupe d'anciens « soixante-huitards » réunis sous l'enseigne réaccrochée de La Vieille Taupe.
Le lyonnais avait réponse à tout. Les chambres à gaz ? C'étaient assurément de simples douches. Le système d'aération après gazage ? Encore faudrait-il prouver qu'il était suffisant! Certes, il y avait les témoignages des déportés et ceux des bourreaux, mais les premiers avaient collectivement et massivement menti pour se faire mousser et les seconds avaient avoué n'importe quoi -- sous la torture. Les millions de déportés juifs qui avaient disparu dans la nuit et le brouillard des camps hitlériens se cachaient vraisemblablement en Israël, aux États-Unis ou en U.R.S.S. Le terrifiant journal de Himmler? On devait l'interpréter au sens figuré, symbolique, tout à fait poétique ! Les convois incessants vers Auschwitz? C'était un très grand centre industriel ! Pourquoi alors ces foules innombrables d'enfants, de bébés? Il y avait aussi une colonie de vacances... L'holocauste n'avait donc jamais existé et tout le procès du nazisme reposait sur un mensonge !
Ce faux « mensonge de Nuremberg » permettait d'abord de dissimuler le vrai, à savoir la responsabilité collective du peuple allemand dans un génocide principalement imputable aux gestionnaires internationaux de la « machine froide ».
Mais l'opération « révisionniste » posait ensuite la question de savoir à qui avait profité cette prétendue invention de l'holocauste. Réponse: aux Juifs, et à leurs exigences usuraires d'indemnités abusives. Elle impliquait surtout qu'un pouvoir juif occulte avait eu, pendant un demi siècle, la puissance politique, financière, médiatique d'imposer ce mensonge au monde entier. La domination juive était ainsi remise en lumière grâce aux révélations de La Vieille Taupe.
C'est pourquoi, si l'activité principale de la bande a consisté à diffuser les propos du faussaire lyonnais, certains de ses membres ont poussé un peu plus loin le bouchon: L'un d'eux s'inquiétait ainsi bruyamment de voir « les britanniques marcher au son du Shofar » et dénonçait « l'influence israélienne en Occident, (qui) pousse toujours à la guerre » (S. Thion), tandis qu'un autre se faisait surprendre à distribuer, à la sortie des écoles, des tracts dont même ses acolytes ont dû reconnaître l'antisémitisme extravagant (Guionnet, dit « l'aigle noir », dit « Attila Lemage ») .
L'opération dite « révisionniste » a ainsi permis de relancer quelque temps le mythe du complot juif après la crise de 1968 et malgré les crimes nazis qui semblai ent en interdire la résurgence.
Elle a affecté de prendre racine dans une stratégie libertaire, comme les précédentes opérations antisémites d'Edouard Drumont et de Céline. La Vieille Taupe réaffirme ainsi sans cesse son label d'« ultragauche », et c'est sous ce pavillon d'emprunt qu'elle diffuse, aux fêtes du Front National, ses propres textes, ceux d'anciens ou de néonazis, ainsi que ceux du vieux libertaire Garaudy ou de l'ex-situationniste abbé Pierre, entre la faucille, le marteau, la croix gammée et le goupillon.
DES historiens ont pris la peine de répondre au faussaire lyonnais et à ses complices de La Vieille Taupe. Ils ont exposé les trucages de l'universitaire et ses procédés de jongleur.
Mais aucun d'eux n'a révélé le sens de la manœuvre et le public s'est trouvé désormais devant la seule alternative de soutenir le mensonge officiel du « crime allemand » ou celui, dissident, des « révisionnistes ».
Après ces interventions, néanmoins, l'affaire « révisionniste » se dégonfle en quelques années. En 1983, une partie de la bande déclare dans sa revue La Banquise: « Que les chambres à gaz nazies aient eu ou non une existence concrète nous importe peu ». On s'en doute de la part de ces gens. Mais cette question importe tout de même à ceux qui sont accusés, non seulement de les avoir inventées, mais d'avoir eu le pouvoir d'imposer ce supposé mensonge au monde entier.
Elle importe aussi à tous ceux qui savent ce qu'une telle manœuvre signifie dans la véritable guerre sociale.
A ce moment, l'un d'entre eux proteste encore contre la censure dont serait victime le faussaire lyonnais. Mais en 1992 un texte collectif est adressé aux journaux, avouant que toute l'affaire « révisionniste » n'est qu'une « variété d'antisémitisme ».
En 1996 enfin, les plus représentatifs des précédents cosignataires publient, aux éditions Reflex, une espèce de mea culpa où ils ne se contentent pas de reconnaître la « dérive antisémite » de l'affaire « révisionniste », mais où ils se proposent d'en expliquer la genèse. Et, davantage encore que la participation récente de ces repentis à la falsification « révisionniste », ce sont plus visiblement leurs aveux truqués qui les désignent comme des provocateurs.
« Il est temps, avance l'un d'eux, que le bilan intellectuel de cette affaire soit tiré.
- « Rien ne serait arrivé, soupire un autre, sans une nouvelle posture de certains révolutionnaires face au monde. » Leur éditeur lance la machine et s'inquiète de cette « posture » « qui se veut ''révolutionnaire'', marxiste et libertaire » et qui en vient à « enfourcher le même cheval de bataille que les néo-nazis ». Un des loustics précédents livre alors la conclusion attendue: « C'est le même schéma opératoire qui conduit à la ''posture'' révolutionnaire et au néo-nazisme »: telle est l'explication de ce « virage révisionniste qui allait affecter une bonne partie de l'ultra-gauche » c'est-à-dire la bande de La Vieille Taupe (les révolutionnaires se sont évidemment toujours moqué des entreprises des « révisionnistes », orthodoxes ou dissidents, repentis ou pas).
En réalité, précise l'un des repentis, c'est le « fantasme des manœuvres machiavéliques de l'État » qui aboutit à la théorie funeste du complot juif (c'est en effet un détournement que notre siècle connaît bien, mais il y faut tout de même les « manœuvres machiavéliques » de l'Okhrana, des Centuries noires ou d'autres polices spécialisées, ainsi que l'argent de Krupp, de l'I.G. Farben, d'Henry Ford ou d'autres pourvoyeurs de fonds).
Qu'importe cette inconvenante vérité, il faut maintenant en finir, décident-t-ils, avec le « culte illuministe de la vérité » et promouvoir assurément une tolérance opportune envers les provocateurs, les menteurs, les falsificateurs. Les révolutionnaires ont donc été bien coupables, poursuit l'intéressé tolérant, car « au lieu d'un universel à partager dans une pratique commune, ils firent de la vérité un secret à démasquer ». Quel secret pourrait bien se cacher, en effet, derrière la fabrication des Protocoles des Sages de Sion, la nazification de l'Allemagne ou le travail de La Vieille Taupe ? L'universel consensus élaboré par les experts médiatiques devra donc désormais tenir lieu de vérité car c'est au nazisme que conduit « la méfiance à l'égard des experts officiels » -- le fanatisme religieux de la méfiance ! -- et surtout l'arrogante prétention de les contredire publiquement, cette « propension à se vouloir toujours scandaleux et détestés ».
« La place des révolutionnaires et des partisans de la communauté humaine décrètent-ils enfin à l'adresse de ceux qui vomissent évidemment toutes les "places" qu'on veut bien leur accorder, est avec les clandestins et les sans-papiers », certes pas pour exiger la suppression des papiers, passeports, nationalités et autres ignominies humiliantes pour tous, mais pour que chacun ait droit à une nationalité et à un emploi; non pour inventer ensemble de nouvelles relations humaines, mais pour que chaque putain ait droit à sa carte et à son travail. Tout autre projet sera désormais assimilable aux crimes nazis et la conclusion attendue arrive enfin: il faut en finir avec les « délires résiduels de mai 68 » puisque -- l'opération de La Vieille Taupe l'a prouvé -- ces dangereuses folies « se mêlent inextricablement aux fantasmagories néofascistes ».
Cette conclusion sans surprise achève donc l'opération dite « révisionniste » dont le déroulement a reproduit très exactement celui des grandes manœuvres antisémites déployées, depuis un siècle, au décours des principales crises sociales. 

Michel Bounan

 source

Nous sommes en désaccord pour le "Label ultra-gauche". Bien que cela ne concerne qu'une poignée d'individus souvent anciens gauchistes, ils ne méritent pas d’être confondu avec cette "Police de la pensée" sortie de la "Vieille Taupe". Rappelons que ce label désigne d'une part les Conseillistes (ICO, SB, EM, IS...) Les Spartakistes mais aussi les Fractionnistes (PCI, CCI...). Leurs discours imbéciles mais sincères ne méritent d’être assimilé à cette boue. Il est vrai cependant que les révisos (Vieille Taupe, Banquise, Guerre Sociale, Brise-Glace) ont particulièrement insisté sur ce label ultragauche.
Tous partagent l'idée obsolète du rôle historique de la classe ouvrière liquidant et dépassant le capitalisme. Absurdité an-historique critiquée et théorisée par la Critique de la Valeur.

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