jeudi 5 janvier 2012

A propos des polices politiques et de leurs méthodes


Cette prose édifiante de Didier Daeninckx est tirée  d'un site web aujourd'hui curieusement disparu: http://www.amnistia.net  Mais redirigé Publicitaire ...
Ces textes complètent agréablement le suivant: Sans Nuances




Ce soir mardi 3 avril à 20 heures 30 (un soir très lointain...), dans son magazine Secrets d'actualités, la chaîne M6 diffuse un documentaire sur la véritable paranoïa qui s'est emparée des plus hautes instances de l'État, à partir d'octobre 1980, quand le citoyen Michel Colucci, plus connu sous son nom de clown de Coluche, a décidé de se présenter aux élections présidentielles et que les premiers sondages lui ont donné entre 15 et 17% des voix! L’Élysée, alors empêtré dans l'affaire des "diamants de Giscard", a chargé le ministre de l'Intérieur de l'époque, Christian Bonnet, de décourager le comique. Par tous les moyens.
Le commissaire des Renseignements Généraux chargé d'organiser la surveillance, le harcèlement, les campagnes de calomnie, de rumeurs, la déstabilisation du candidat libre, en utilisant jusqu'aux menaces de mort, n'est pas un inconnu pour amnistia.net. Il s'appelle Guy Dauvé, et cette opération couronnée de succès sera la touche finale qu'il apportera à une carrière exceptionnelle débutée au service de l'État pétainiste, puis qui s'est épanouie sous les Républiques gaulliste et giscardienne dans l'ombre de son maître, Maurice Papon. J'avais eu l'occasion, en 1997, de brosser rapidement son itinéraire "professionnel" dans Le Goût de la vérité, réponse à Gilles Perrault.
Guy Dauvé a passé le concours de commissaire au printemps 1943 et a été affecté en octobre de la même année à la première Brigade Spéciale dirigée par Labaume, comme en témoignent les archives du procès de ce dernier qui s'est tenu en mai 1945 (les historiens pourront utilement se reporter à la cote AN, Z6 61, dossier 968). Avant la guerre, le travail de la première section consistait à s'informer sur "les mouvements d'extrême-gauche: socialiste, communiste, anarchiste et sur le cadre syndical de ces partis". A compter de 1941, c'est pour le compte du chef de la Gestapo en France, Boemelburg, que la section des Brigades Spéciales infiltre, détruit la résistance communiste. Dans le journal Franc-Tireur, Madeleine Jacob présentait ainsi le chef de la première Brigade Spéciale:
"Le commissaire principal Labaume était quelque chose comme le Führer des indicateurs chargé de prospecter, si l'on peut dire, les milieux d'extrême-gauche, considérant que cela lui concède des droits à l'indulgence. Un beau tableau de chasse. Aux cinq victimes de son indicateur Rastelli, condamné à mort, il ajoute Picant, Cadras, Politzer, Jacques Solomon, et les nombreux déportés qui lui doivent d'avoir pendant des années, pourri lentement dans les camps allemands".
Une grande partie de ceux qui avaient fait leurs preuves dans la répression anti-communiste aux côtés des Allemands, furent appelés à la rescousse dès les débuts de la guerre froide. Guy Dauvé, lui n'avait pas quitté son service et continuait à tenir ses fiches dans son bureau dont les fenêtres ouvraient sur le Marché aux Fleurs. En 1955, alors que des troubles faisaient des dizaines de morts à Casablanca, il fut envoyé en mission au Maroc pour déterminer la structure des mouvements d'opposition à l'administration coloniale. N'ayant jamais caché ses idées d'extrême-droite ni son combat pour l'Algérie française, il est l'année suivante à Alger quadrillée par les hordes de parachutistes de Massu et Bigeard qui mettent un peuple à la Question.

De retour à Paris, il est avec ses hommes, l'un des plus acharnés dans la traque des responsables du FLN algérien. C'est par centaines que les militants indépendantistes qui tombent dans ses filets sont durement interrogés, et parqués dans des camps comme celui de Thol, dans l'Ain, que Guy Dauvé visitera, pour les besoins du service, à plusieurs reprises. Une description minutieuse de ce camp sera faite au tout début de1962 dans Le Nouveau Candide, l'hebdomadaire d'extrême-droite créé par les services d'espionnage de Constantin Melnik, le supérieur de Guy Dauvé qui a la charge des RG. Jacques Peyrolles, le "journaliste" qui prolongeait idéologiquement le travail des policiers était promis, lui aussi, à une brillante carrière sous son nom d'emprunt de Gilles Perrault (Le roi de l’antifascisme pour bisounours, sincère comme un scorpion).
En octobre 1961, les hommes de Guy Dauvé participent aux rafles, à l'effroyable répression qui ensanglante Paris. "Les Algériens criaient comme des primitifs" avait-il l'habitude de dire. Quelques semaines plus tard, Guy Dauvé reçoit la médaille du Mérite Civil. Le préfet de police, Maurice Papon, lui remet un mot manuscrit qu'il fera encadrer et gardera précieusement jusqu'à la fin de sa vie: "Je sais tout ce que vous avez fait. Votre chef en est fier et vous remercie". Un peu plus tard, il recevra la Légion d'Honneur.                          
Une partie de son travail consistait également à surveiller la presse. Le Canard Enchaîné lui consacrera quelques articulets, et Dauvé menacera à plusieurs reprises de sortir des photos montrant des journalistes dans des situations à l'époque compromettantes. Pour se décontracter, Guy Dauvé écrit un roman que la Série Noire de Marcel Duhamel refuse alors qu'elle publie, sous pseudonyme, un autre célèbre commissaire des RG, Michel Baroin. Les événements de 1968 relancent sa carrière, et il devient un collaborateur précieux de Raymond Marcellin, ce ministre de la police parti en guerre contre l'ennemi intérieur. Infiltrations, manipulations, créations de groupes politiques faux-semblants, de journaux attrape-tout...
Bien avant l'affaire des Irlandais de Vincennes de Barril, des faux époux Thurenge d'Hernu ou des vrais-faux passeports de Pasqua, l'imagination est au pouvoir sur l'Ile de la Cité!
Pendant ce temps là, le fils de Guy Dauvé, qui a pris le pseudonyme de Jean Barrot pour ne pas être identifié par son père (vraiment ? ou par ses dupes ...) , milite à l'ultra-gauche. D'une curieuse manière, puisque c'est essentiellement par son canal que sera assurée la promotion des écrits négationnistes de Paul Rassinier et les textes de banalisation du génocide comme Auschwitz ou le Grand Alibi. A l'insu de son père (encore !), Gilles Dauvé animera un groupe de solidarité avec Puig Antich, un anarchiste espagnol assassiné par Franco, et des réunions auront pour cadre le domicile du commissaire des RG... Beau comme de l'antique! Au moment de l'affaire Faurisson, Gilles Dauvé écrira ou participera à la rédaction de multiples textes négationnistes qui seront publiés dans La Guerre Sociale ou Le Frondeur. Il poursuivra, sur un mode mineur, discrètement révisionniste pourrait-on dire, dans La Banquise de Serge Quadruppani.
 
En 1980, Guy Dauvé se lance dans la destruction de l'objectif Coluche. L'arrivée de la gauche au pouvoir coïncide avec son départ à la retraite. Il pantoufle pendant plusieurs années à la direction des services de sécurité d'une importante entreprise. Il ne rechigne pas à donner un coup de main à ses anciens maîtres quand il s'agit de porter des valises sensibles d'un point à un autre du territoire.
En 1996, c'est le nom du fils de Guy Dauvé qui court dans les gazettes. Le Monde du 8 juin révèle que le porte-parole de Ras l'Front, Gilles Perrault, celui-là même qui visitait les prisonniers de papa à Thol en 1961, a accordé une préface blanchissant Gilles Dauvé de son passé négationniste. Pour faire bonne mesure, Serge Quadruppani qui défendait le "non-antisémite" Faurisson à pleines pages dans ses livres, bénéficie de la même machine à laver. Personne ne remarque, à ce moment, que Gilles Perrault a déjà œuvré pour ses protégés, sept ans plus tôt, en préfaçant L'anti-terrorisme en France un livre de Serge Quadruppani nourri aux sources les plus mystérieuses...
Aujourd'hui, l'auteur de cet ouvrage s'est éloigné de l'ultra-gauche, s'est rapproché un temps de la mouvance libertaire pour se réclamer maintenant du situationnisme. Guy Debord, le fondateur de l'Internationale Situationniste a laissé derrière lui une critique du livre de Quadruppani et de son préfacier Perrault, sous la forme d'une lettre à Jean-François Martos datée du 24 février 1990. On peut y lire:
"J'avais lu Quadruppani. C'est évidemment un désinformateur, et peut-être 'version b'. Au moins à la frontière? C'est-à-dire manipulé par ses dangereuses fréquentations, policières, ou repenties, et aussi son préfacier"... il terminait ainsi le paragraphe consacré à celui qui se réclame de son message: "Ote ta moustache, on t'a reconnu... Bourrique!"
Jean-François Martos, Correspondance avec Guy Debord, Le fin mot de l'Histoire, 2000.

Un dialogue qu'on pourrait placer dans la bouche de... Coluche!

Didier Daeninckx
 
En 1996, dans une brochure au titre mensonger, "Libertaires et ultra-gauche contre le révisionnisme", (préface de Gilles Perrault) l'un d'eux, Gilles Dauvé, admettra que son ancien ami Pierre Guillaume avait choisi de s'attaquer au "mythe" des chambres à gaz, mais qu'il "aurait pu aussi briser un interdit majeur comme la pédophilie". Dans une première version de son texte, il n'hésitait pas à écrire que "les chambres à gaz" sont pour lui "un gigantesque détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale"!
L'interpellation de Michel Caignet dans le cadre de la filière pédophile Toro Bravo, en 1996, avait fortement inquiété les activistes de La Vieille Taupe. Pour Pierre Guillaume, (qui un temps inspira les "théoriciens" de La Banquise ou de Mordicus), cela ne pouvait tomber plus mal puisqu'il était alors occupé à orchestrer l'affaire Garaudy et son soutien par l'abbé Pierre. En témoignent deux lettres datées du printemps 1996. Pierre Guillaume s'adresse à celui qui l'édite depuis seize ans, Charles Corlet et qui vient de refuser l'impression du deuxième tirage des Mythes fondateurs de la politique israélienne de Garaudy, en raison des ennuis judiciaires que le texte suscite, mais aussi à cause d'un client peu discret amené par La Vieille Taupe, Michel Caignet. En réponse, Pierre Guillaume argue qu'il ne connaît même pas le nom de la revue éditée ("une revue d'hétérophobes sexuels... Gay quelque chose...) ni ses créateurs. Une lecture attentive de ses propres courriers aurait pu lui épargner ce mensonge : onze ans plus tôt, il ne faisait pas mystère de ses relations suivies avec Michel Caignet, comme le prouve la circulaire de La Vieille Taupe de décembre 1985:
"... l'auteur et moi étions convenus que le Professeur Faurisson relirait les épreuves et superviserait l'édition. A la réception des épreuves, celui-ci a émis de très graves critiques sur le travail effectué par Michel Caignet (étudiant à la Sorbonne, prépare un doctorat de linguistique allemande et anglaise)".
La raison de cette soudaine amnésie résidait vraisemblablement dans la pression exercée par les Renseignements Généraux sur l'éditeur. Après la défection de Corlet, la réédition du livre de Roger Garaudy fut assurée par une officine parisienne d'extrême-droite, la Librairie Roumaine du Savoir dont le tenancier, lui, ne semble pas apprécier la jeunesse. Le 4 février 1998, la 10e chambre correctionnelle de Paris l'a condamné à 2 mois de prison avec sursis et 6.000 francs d'amende pour avoir menacé, à l'aide d'un pistolet à grenaille offert par son ami Pierre Guillaume, une étudiante qui protestait contre l'exposition en vitrine des livres de Garaudy...
Georges Orwell avait pressenti l'horreur qui nous frappe aujourd'hui. Dans un article sur le roman noir américain "Rafles and Miss Blandish", il écrivait en 1944 :

"L'interconnexion du sadisme, du masochisme, du culte de la réussite, du culte de la puissance, du nationalisme et du totalitarisme forme un immense sujet dont on a encore à peine écorné les angles; et l'on considère même comme assez peu délicat d'en mentionner l'existence".
"Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme". Première version du texte de Gilles Dauvé. Le "gigantesque détail de la Seconde guerre mondiale" sera à l'origine de la destruction du tirage par l'éditeur, en juin 1996. 
Didier Daeninckx

Nous avions publié ces textes depuis longtemps mais en seconde partie d'une trop longue page ici: http://debord-encore.blogspot.com/p/rien.html
Il serait étonnant que ceux qui défendent ces gens soient simplement des imbéciles honnêtes mais bien plutôt des complices des mêmes réseaux  qui dirigent depuis des lustres l'ensemble des organisations libertaires et gauchistes...
Ce qui explique les choix toujours mauvais de ces organisations (analyses archaïques, journaux ringards, sites merdiques...) pour la liberté mais parfait pour le maintient de l'ordre.

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