samedi 16 avril 2011

Le Capital, préface, premier chapitre, appendice (la forme valeur)

vorwort
Traduction française à partir de la première édition allemande, Hambourg 1867,
« Tout commencement est difficile, et cela vaut pour toutes les sciences. La principale difficulté sera donc de bien comprendre le premier chapitre, et surtout la partie qui contient l'analyse de la marchandise. En ce qui concerne le détail de l'analyse de la substance de la valeur et de la grandeur de valeur, j'en ai désormais vulgarisé l'exposé pour le rendre le plus accessible possible. Il en va tout autrement de l'analyse de la forme valeur. Elle est difficile à comprendre, pour cette raison que la dialectique y est beaucoup plus aiguisée que dans le premier exposé. Je conseille donc au lecteur qui n'est pas complètement rompu à la pensée dialectique de sauter tout le passage qui va de la page 15 (ligne 19) jusqu'à la fin de la page  34, pour lire à sa place l'appendice : " la forme valeur "35. »
 (Karl Marx, Le Capital, préface de la première édition, 1867)

Le Capital n'est généralement pas accessible au lecteur dans sa première édition (Hambourg, 1867). Au cours des éditions suivantes, les modifications apportées par Marx (1873), puis par Engels (1883 et 1890), ont été faites pour partie sous l'emprise de la conviction, émanant de l'entourage de Marx, selon laquelle le commencement de l'ouvrage était d'abord difficile. Marx en convenait, et s'en explique dans la préface, mais tout en précisant que " la chose est trop décisive pour le livre tout entier " (lettre à Engels du 22 juin 1867). Que cette chose redevienne lisible sous la forme de son élan initial pourrait avoir quelque utilité pour la compréhension des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste , dans la perspective de sa suppression positive. Cela vaut bien un détour par la source.
Le lecteur français ne dispose en l'état actuel des choses que de la traduction, désormais introuvable, du chapitre I et de l'appendice, parue aux éditions du Cerf en 1977 (Paul-Dominique Dognin, Les " sentiers escarpés " de Karl Marx, le chapitre I du " Capital " traduit et commenté dans trois rédactions successives). Même en langue allemande la première édition est rare ; 140 ans après, il est sans doute temps de pouvoir consulter sur pièce. D'autant que le texte de 1867 fait depuis plusieurs années l'objet de commentaires ou d'analyses tournant autour de la forme valeur et délivrés par des auteurs ayant pris quant à eux connaissance de l'original – qu'ils gardent sous la main.
Épreuve de la contradiction, l’aliénation est un ressort si impérieux que même qui s’y confronte pour s’en affranchir y succombe. Aussi, l’effort visant à rendre accessible au lecteur français les commencements du Capital – de si mauvaise réputation qu’un célèbre commentateur proposa d’en sauter préalablement la lecture selon un tour pédagogique qui consisterait, en guise de leçon de natation, à s’entraîner au plongeon avant même de se risquer dans l’eau – ne se fait-il pas sans qu’un certain mimétisme s’impose comme procédure de publication. De même que la traduction de Joseph Roy révisée par Marx fut proposée aux lecteurs les plus immédiatement concernés, les ouvriers, en paraissant sous forme de feuilleton au prix modique de 10 centimes de 1872 ; la traduction en cours, reprenant la première édition allemande de 1867, se propose ici par livraisons successives et selon le rythme de son élaboration, au négligeable prix du néant de sa valeur d’échange.
Pour cette édition électronique, les notes sont exclusivement celles de Marx et nous n'avons donc pas eu à modifier leur numérotation. Lorsque Marx n'a pas traduit les citations, nous les avons traduites et mises entre crochets. Tous les caractères en italiques sont ceux de l'original allemand. Les occurrences "en français dans le texte" apparaissent en plus petits caractères

Le Capital
Critique de l’économie politique
Par

Karl Marx
Premier volume
Livre I : Le procès de production du capital
Hambourg
Éditeur Otto Meissner
1867
New York : L.W. Schmidt. 24 Barclay-Street.

Préface
L’ouvrage dont je livre ici au public le premier volume constitue la suite de mon écrit « Contribution à la critique de l’économie politique », publié en 1859. La longue pause intervenue entre ces deux publications est due à une maladie de plusieurs années qui a interrompu mon travail de manière répétée. 
Le contenu du précédent écrit est résumé dans le premier chapitre de ce volume ; cela ne répondait pas seulement à une exigence de rendre l’enchaînement plus rigoureux et l’ensemble plus complet. L’exposition est améliorée. Dans la mesure où l’état de la question pouvait le permettre, de nombreux points qui n’avaient été qu’évoqués dans la version précédente sont ici développés plus avant, alors que d’autres au contraire qui avaient fait l’objet d’un développement plus poussé n’y sont plus qu’esquissés. Il va de soi que les sections sur l’histoire de la théorie de la valeur et de la monnaie ne font désormais plus du tout partie de l’exposé. Toutefois, ceux qui ont lu mon premier ouvrage trouveront dans les notes du premier chapitre tout un choix de nouvelles sources pour l’histoire de cette théorie.
Tout commencement est difficile, et cela vaut pour toutes les sciences. La principale difficulté sera donc de bien comprendre le premier chapitre, et surtout la partie qui contient l’analyse de la marchandise. En ce qui concerne le détail de l’analyse de la substance de la valeur et de la grandeur de valeur, j’en ai désormais vulgarisé l’exposé pour le rendre le plus accessible possible 1. Il en va tout autrement de l’analyse de la forme valeur.



1 Ceci paraissait d’autant plus nécessaire que dans l’ouvrage de F. Lassale contre Schulze-Delitzsch, même la section où l’auteur déclare donner la « quintessence intellectuelle » de mon développement sur ces thèmes recèle des malentendus lourds de sens. En passant. Quand F.Lassalle a emprunté à mes écrits, presque mot pour mot, allant jusqu’à utiliser la terminologie que j’ai créée, et sans mentionner ses sources, la totalité des propositions théoriques générales de ses travaux économiques, par exemple sur le caractère historique du capital , sur les liens qui unissent rapports de production et mode de production etc., etc., il y a tout lieu de penser que cette manière de procéder répondait sans doute à des considérations de propagande. Je ne parle évidemment pas de ses développements dans leurs détails, ni de l’utilisation qu’il en fait : ce n’est en rien mon affaire.
Karl Marx

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