peut-on lire un peu partout, même sous la plume de prétendu révolutionnaires, non, elle est en cours.
Pense-t'ils que la révolution française fut réalisée d'un seul coup le 14 juillet 1789 ?
Mais alors qu'est ce que la fusillade du champ de mars qui obligea à fuir en juillet 1791: Marat, Danton (en Angleterre) et Robespierre et Desmoulins pour avoir demandé la république ?
Voici un texte de cet acabit:
Quelques leçons peuvent être tirées des événements récents. Premièrement, la révolution arabe n'a pas encore eu lieu : en Tunisie et en Égypte, les mêmes têtes – hormis Ben Ali et Moubarak – sont toujours aux commandes du pays. La révolte de 2011, pour l'instant, c'est un peu la fuite à Varennes sans la prise de la Bastille ni l'abolition des privilèges : le président est parti, mais de nombreux prisonniers politiques sont encore à l'ombre et une législation d'exception continue de protéger les puissants. En Egypte, l'armée, qui a fourni à la République tous ses présidents, de Naguib à Moubarak, tient le pays ; la page de la révolution militaire de 1952 n'est toujours pas tournée.
Deuxièmement, les révoltes arabes ne sont pas la révolution iranienne. Il est vrai que les islamistes jouent un rôle important (faux) dans les mobilisations égyptienne et bahreïnie. Mais ni les Frères musulmans ni les partis chiites n'ont organisé les journées de 2011 : ils se contentent de soutenir une mobilisation qui les dépasse. Et contrairement à Khomeiny, ils ne parviendront pas à monopoliser le pouvoir : si le clergé iranien était un pilier de l'Etat, les Frères étaient bannis de la scène politique égyptienne, et les chiites de Bahreïn sont durement marginalisés. Si la révolte arabe peut être comparée à la révolution iranienne, c'est parce qu'ici et là, le soulèvement populaire a fourni à une partie de l'Etat (le clergé en Iran, l'armée en Égypte, le prince héritier à Bahreïn) l'occasion de rebattre les cartes du pouvoir.
Troisièmement, la révolte arabe témoigne de changements politiques telluriques. En l'absence de partis crédibles, les mosquées ont longtemps été d'importants lieux de contestation. Mais le religieux a lui aussi été victime de la répression. Militants emprisonnés, mosquées sous surveillance, religion devenue objet de grande consommation : tout a concouru, pendant les dix dernières années, à la dépolitisation de l'islam politique lui-même. En même temps, la révolution technologique a fourni des armes nouvelles à la contestation. Pour s'organiser dans un État policier, on peut compter sur ses réseaux familiaux ; mais mieux vaut utiliser internet. La toile a permis de démultiplier la protestation, d'échanger des tuyaux et de bénéficier de la mobilisation de millions d'internautes. Mais qualifier la révolte arabe de "révolution Facebook" reviendrait à confondre l'instrument et l'objectif, les moyens et les fins. La révolte de 2011 est, tout simplement, démocratique : Tunisiens et Égyptiens sont descendus dans la rue pour rappeler aux puissants qu'ils étaient plus puissants – et plus nombreux – qu'eux.
Quatrièmement, la nouvelle génération arabe, plus urbaine, mieux éduquée, plus ambitieuse que la précédente, offre un spectacle que peu d'observateurs, obnubilés par les progrès de l'islamisme et du terrorisme, avaient daigné remarquer. Technologiquement habile, prompte à tirer parti de l'espace urbain, partisane de slogans universels (fin de la répression, départ des corrompus, dignité et respect), son succès à infléchir le cours de l'histoire a paradoxalement tenu à ce que les régimes la croyaient négligeable. Les yeux rivés sur Al-Qaida, personne n'a songé à suivre de près ce que faisait la nouvelle génération. Des trottoirs de Tunis aux places du Caire et aux ronds-points et rocades du Golfe, la jeunesse a transformé les villes arabes en machines à protester. Ce faisant, elle rappelle une vérité importante : le réseau social le plus efficace, celui qui favorise le plus les échanges, la communication et la révolte, ce n'est pas Facebook. C'est la ville.
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