lundi 20 décembre 2010

Les principales dispositions de la LOPPSI 2

Présentation rédigée à partir du projet de « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » adopté au Sénat le 10 septembre 2010
FICHIERS

1° Fichiers d'antécédents


La loi recodifie et adapte les dispositions éparses qui portent sur l’alimentation du STIC et du JUDEX, fichiers dits « d’antécédents » de la police nationale et de la gendarmerie. Ces fichiers contiennent des « données à caractère personnel » concernant les personnes, « sans limitation d’âge », suspectées d’avoir participé à la commission d’un crime, d’un délit ou d’une contravention de 5ème classe. Autrement dit, la plupart des suspects ont vocation à figurer dans ces fichiers, même les mineurs.

Le contrôle de ces fichiers est confié à la fois au procureur de la République et à un magistrat référent nommé au niveau national, sans qu'aucune hiérarchie entre ces deux autorités ne soit instituée. Seul le procureur se voit imposer un délai d'un mois pour répondre à une requête en rectification ou effacement, mais le non-respect de ce délai n'est pas sanctionné. Pour mener à bien leurs contrôles, ces magistrats se voient seulement conférer un « accès direct » aux fichiers.

Rappelons qu’en décembre 2008, le STIC recensait, selon la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) :

- 36 500 000 de procédures

- 37 911 000 infractions

- 5 552 313 personnes mises en cause

- 28 329 276 victimes

- 10 millions d’objets.

D’après le bilan 2009 des vérifications du STIC par la CNIL, seules 20% de ses fiches sont rigoureusement exactes. Le texte prévoit que les décisions d'acquittement ou de relaxe conduisent à un effacement des données personnelles, « sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier », sans autre précision. Quant aux décisions de non-lieu pour insuffisance de charges ou de classement sans suite, elles font seulement l'objet d'une mention dans le fichier, sauf si le parquet ordonne l’effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement font l'objet d'une simple mention, sans possibilité d’effacement des données. Ainsi, un classement sans suite pour absence d’infraction ne pourra pas conduire à l’effacement des données, à l’inverse d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée...

2° Fichiers d'analyse sérielle et de rapprochement judiciaire

La loi abaisse le seuil de peine permettant l’enregistrement dans un fichier « d'analyse sérielle » en le faisant passer de 7 à 5 ans d’emprisonnement. Les données contenues dans ces fichiers concernent les suspects, victimes et personnes susceptibles de fournir des renseignements, sans limitation d'âge. Quant aux fichiers « de rapprochement », ils vont permettre de croiser les données à caractère personnel recueillies dans différentes enquêtes en se fondant sur les modes opératoires, sans aucune limite en termes de gravité des infractions concernées. Les données à caractère personnel doivent être effacées « à la clôture de l'enquête » ou en tout état de cause – car, manifestement, on sait que l'effacement n'aura pas lieu avant – « à l'expiration d'un délai de trois ans après le dernier acte d'enregistrement ». Là encore, le moyen de contrôle de ces fichiers par le procureur de la République et le magistrat référent ne résulte que d'un droit d'accès direct à ces fichiers de rapprochement.

FILTRAGE INTERNET

La loi prévoit un système de filtrage des sites diffusant des images de mineurs à caractère manifestement pornographique, qui se verront privés d’accès à internet par l’autorité administrative, en l’occurrence l’Office central de lutte contre la criminalité, sans recours au juge. Lorsque le caractère pornographique des images n’est pas « manifeste », l’autorité administrative peut saisir l’autorité judiciaire pour qu’elle statue sur cette interdiction.

VIDEOSURVEILLANCE

La loi substitue au terme de « vidéosurveillance » celui de « vidéoprotection ». L’objectif est d’étendre de manière considérable la surveillance par caméras. Ainsi, les autorités publiques peuvent placer des dispositifs de vidéosurveillance sur la voie publique pratiquement partout puisque les critères sont très larges à l’instar de celui de la « prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants, ainsi qu’à la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, à des fraudes douanières (…) et des délits (…) portant sur des fonds provenant de ces mêmes infractions ». « La prévention des risques naturels ou technologiques » est ajoutée à la liste des motifs, ainsi que « le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ». La loi étend aussi l'argument de la régulation du trafic routier par la vidéosurveillance à celle de l’ensemble des « flux de transports ». Dans les immeubles d'habitation disposant d'un système de vidéosurveillance des parties communes, les gestionnaires (copropriétés ou bailleurs) sont autorisés à transmettre leurs images aux forces de police « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d'une atteinte grave aux biens ou aux personnes ».
 
Le préfet se voit également accorder la faculté de faire installer un dispositif ad hoc de vidéosurveillance pour toute manifestation ou tout rassemblement de grande ampleur. Aux fins de prévention du terrorisme, le préfet pourra demander au conseil municipal d’une commune de délibérer sur la mise en oeuvre d’un dispositif de vidéosurveillance. Les élus devront alors délibérer dans un délai de 3 mois maximum. Les entreprises, après information du maire ou autorisation du préfet, pourront également placer des caméras à proximité de leurs établissements « aux fins d’assurer la protection des abords de leurs bâtiments et installations, dans les lieux susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ». Le visionnage des images pourra être réalisé par les salariés de ces entreprises. Par ailleurs, les personnes publiques ont la possibilité de déléguer l’exploitation de « leurs » images à des opérateurs privés.

Les autorités de contrôle des systèmes de vidéosurveillance sont, d’une part, la CNIL et, d’autre part, les « commissions départementales de la vidéoprotection », qui peuvent être saisies par « toute personne intéressée » de « toute difficulté tenant au fonctionnement d’un système de vidéoprotection ». Quant à la « commission nationale de la vidéoprotection », elle exercera une mission de conseil et d’évaluation de l’efficacité des dispositifs existants en la matière.

CONSEIL NATIONAL DES ACTIVITÉS PRIVÉES DE SÉCURITÉ

Entérinant la privatisation croissante de la sécurité, la loi instaure un « conseil national des activités privées de sécurité » chargé d’une triple mission :

- de conseil et d’assistance aux professionnels ;

- de police administrative en matière d’agréments et d’autorisations ;

- de sanction disciplinaire.

Ce conseil est composé de représentants de l’Etat et de magistrats des ordres administratif et judiciaire qui sont majoritaires. Des personnes issues des activités privées de sécurité et des « personnalités qualifiées » complètent ce collège. Par ailleurs, une « commission régionale d’agrément et de contrôle » sera créée dans chaque région avec pour mission de délivrer les autorisations et cartes professionnelles, de les suspendre en cas de difficultés et de prononcer d’éventuelles sanctions disciplinaires. Elle dispose d'un droit de visite des locaux à usage professionnel des employeurs et donneurs d'ordres.

ÉCHANGES ÉLECTRONIQUES

Il s'agit de prévoir une infiltration électronique pour identifier les auteurs des infractions de provocation à commettre des crimes ou délits (article 24 de la loi de 1881) : les officiers ou agents de police judiciaire habilités pourront participer à des échanges électroniques en usant d'un pseudonyme et extraire et conserver les éléments de preuves ainsi obtenus.

« PERQUISITION » INFORMATIQUE

Pour les infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée de l’article 706-73 du Code de procédure pénale, le texte prévoit la possibilité, sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, de mettre en place « un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ». Pour l’installation de ce « mouchard », les enquêteurs pourront s’introduire dans le domicile ou le véhicule de la personne mise en cause, à son insu et, si nécessaire, de nuit.

RAISON D’ETAT

Un régime d’impunité judiciaire est prévu pour les agents de renseignement, leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu’ils utilisent une identité ou une qualité d’emprunt. En revanche, la loi réprime la révélation, même involontaire, de « toute information qui pourrait conduire directement ou indirectement à la découverte de l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité, de l’identité réelle » de ces agents ou de leur appartenance à un service spécialisé de renseignement, ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour la liberté de la presse.

PEINES MINIMALES

Pour les délits de violences volontaires aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à 10 ans d’emprisonnement et ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 15 jours, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à 2 ans, sauf décision spécialement motivée par le juge. Cette peine minimale s’applique également pour les délits commis avec la circonstance de violences, dès lors que la peine encourue est égale à 10 ans et que l’ITT est supérieure à 15 jours. Ces dispositions sont applicables aux mineurs.

PÉRIODES DE SURETÉ

La période de sûreté de 30 ans sera applicable aux personnes condamnées pour meurtre ou assassinat commis en bande organisée ou avec guet-apens sur un magistrat, un policier, un gendarme, un membre de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions.

SURVEILLANCE JUDICIAIRE

Le juge d’application des peines peut, à titre de mesure de sûreté pour prévenir la récidive, placer une personne sous surveillance judiciaire dès sa libération. Jusqu’à présent, cette mesure n’était possible que pour les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à 10 ans. Désormais, ce régime est applicable aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale à 5 ans pour un crime ou un délit commis « une nouvelle fois en état de récidive légale ».

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Le texte prévoit des cas de confiscation automatique du véhicule par le tribunal correctionnel, sauf « décision spécialement motivée ». La « vente » de points de permis de conduire est désormais punie d’une peine de 6 mois d’emprisonnement. La loi instaure une possibilité de rétention administrative des permis de conduire par les agents de police judiciaire adjoints (gendarmes adjoints volontaires, ladjoints de sécurité, agents de police municipale...). Ces mêmes APJ adjoints peuvent par ailleurs mettre en oeuvre un dépistage de consommation de stupéfiants.

POLICE MUNICIPALE

Les membres des cadres d'emploi de la police municipale assurant la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale se voient attribuer la qualité d'agents de police judiciaire. Il leur est donc désormais permis de constater les crimes, délits et contraventions et d'en dresser procès-verbal.

RÉSERVE CIVILE DE LA POLICE ET SERVICE VOLONTAIRE CITOYEN

La réserve civile est constituée de retraités de la police nationale et de volontaires. Les retraités peuvent accomplir des missions de soutien aux forces de sécurité et des missions de solidarité et les volontaires des « missions élémentaires d'exécution » ou des « missions de spécialiste correspondant à leur qualification professionnelle ». Le service volontaire citoyen concerne des missions « de solidarité, de médiation sociale et d'éducation à la loi ».

VENTE A LA SAUVETTE

La vente à la sauvette, qui constituait une contravention, devient un délit passible de 6 mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. L’exploitation de la vente à la sauvette est elle aussi sévèrement réprimée.

OCCUPATION DE TERRAIN

Le préfet peut mettre en demeure de quitter les lieux les occupants d’un terrain, installés de manière illicite en réunion, lorsque le fait d’y établir des habitations comporte de « graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet, le préfet peut faire procéder à l’évacuation forcée des lieux et demander au président du TGI en référé de l’autoriser à faire détruire les constructions illicites.

VISIOCONFERENCE

La visioconférence en matière judiciaire est renforcée : elle sera désormais possible pour juger un prévenu en audience correctionnelle lorsque celui-ci est détenu.

DOUANES ET IMPÔTS

Les agents des douanes et de l’administration fiscale voient leurs prérogatives renforcées, en particulier en matière de « visites domicilaires ». Les agents des douanes habilités pourront également, aux fins de constater les infractions à la législation sur les stupéfiants, acquérir des produits stupéfiants et fournir des moyens juridiques ou matériels à des trafiquants en vue de démanteler des réseaux.

ÉTRANGERS

L’autorité administrative peut ordonner, hors de tout contrôle par l’autorité judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile, pour une durée maximale de 2 ans, de l’étranger astreint à résidence, « s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste ». Cette personne doit alors porter un dispositif qui permet sa géolocalisation permanente sur tout le territoire national.

DÉPISTAGE OBLIGATOIRE

L’officier de police judiciaire peut faire procéder, y compris sans le consentement de l’intéressé, à un examen médical et à une prise de sang sur toute personne ayant commis, à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, des actes susceptibles d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave. Refuser de se soumettre à ce dépistage constitue un délit passible d’un an de prison.

VICTIMES VULNÉRABLES

Le texte propose de réprimer le vol commis à l’encontre de personnes âgées, enceintes ou malades d’une peine de 7 ans d’emprisonnement (5 ans actuellement) et de porter les peines à 10 ans lorsque les faits sont commis avec deux circonstances aggravantes (7 aujourd’hui). Pour ces mêmes victimes vulnérables, le délai de prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour « où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique » s’agissant des délits suivants : abus de faiblesse, vol, abus de confiance, escroquerie, détournement d’un bien saisi, recel.

MINEURS

Le préfet peut prendre des mesures de « couvre-feu » individuelles, entre 23h et 6h du matin, à l’égard de mineurs de 13 ans, exposés, par leur présence sur la voie publique, à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. En cas d’urgence et d’impossibilité d’un accueil du mineur à son domicile, le préfet le place provisoirement à l’aide sociale à l’enfance, sans limitation de temps et sans recours possible au juge pour les familles. La loi instaure également un contrat de responsabilité parentale, proposé en particulier aux parents d’un mineur de 13 ans déjà condamné pour une infraction pénale, lorsque cette infraction « révèle une carence de l’autorité parentale ». Si les parents refusent de signer ce contrat, le président du conseil général leur adresse un rappel de leurs obligations et prend « toute mesure d’aide et d’actions sociales de nature à remédier à la situation ».

Par ailleurs, une procédure de jugement accélérée est prévue devant le tribunal pour enfants. Le procureur de la République peut poursuivre un mineur en le faisant convoquer rapidement devant le tribunal par un officier de police judiciaire, si ce mineur a déjà été jugé dans les six mois précédents pour des infractions similaires et qu’à cette occasion, tous les renseignements utiles sur sa personnalité ont déjà été recueillis.

SUPPORTERS SPORTIFS

Des dispositions spécifiques sont prévues pour permettre au ministre de l’Intérieur ou au préfet de restreindre la liberté d’aller et venir des « supporters » d’équipes sportives en cas de risque de troubles à l’ordre public. Le fait de contrevenir aux arrêtés administratifs pris en ce sens constitue une infraction pénale.

TRANSPORTS EN COMMUN

Les personnes qui ne paient pas leur trajet dans les transports collectifs ou dont le comportement trouble l’ordre public ou compromet la sécurité des voyageurs ou la régularité des circulations peuvent être contraintes, y compris par la force, à descendre du bus ou du train ou à quitter la gare.

SAISIES

Dans le cadre d’une enquête, l’officier de police judiciaire, sur autorisation judiciaire, peut procéder à la saisie d’une somme d’argent sur un compte bancaire. Le juge se prononce ultérieurement pour maintenir ou lever la saisie. Jusqu’à présent, seul un juge pouvait effectuer une telle saisie. Le directeur départemental de la sécurité publique ou le commandant de gendarmerie peut demander au procureur de la République d’entamer une procédure en vue de l’aliénation des biens saisis dans des procédures judiciaires avant même tout jugement au fond, biens inventoriés sur une liste que ces autorités peuvent se faire communiquer tous les trois mois.

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